Frédéric Martel en tête

MARTEL Frédéric 2-2, 02/2010Frédéric Martel, l’auteur de Le Rose et le noir : les homosexuels en France depuis 1968 et de La Longue Marche des gays, livre avec Mainstream. Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde une étude passionnante sur les rouages des industries culturelles et sur cette culture de masse diffusée à l’échelle planétaire : le mainstream.

Votre livre a bénéficié d’une couverture médiatique impressionnante (la une des Inrockuptibles, La matinale de France Inter). Êtes-vous un produit mainstream, Frédéric Martel ?
C’est un livre qui s’est aussi très bien vendu, entre 25 000 et 30 000 exemplaires. C’est beaucoup, mais on est loin d’Avatar qui a été vu par quinze millions de personnes en France. Cela reste un livre sérieux, même si mon pari était de rendre intéressante et divertissante la question des industries culturelles, qui est habituellement traitée de manière ennuyeuse. Je crois que c’est un pari gagné.

En optant pour une forme très journalistique, vous avez pris le risque de vous couper des sociologues “pur jus”. François Cusset a comparé votre livre à un «manuel de management adressé à des magnats européens à la traîne».
Mainstream n’avait pas la prétention d’être un livre de sociologie. Mais il n’y a eu finalement que très peu de critiques. Les critiques négatives émanaient soit de gens qui n’aiment pas la culture mainstream, soit d’une certaine gauche radicale opposée à une autre gauche plus ouverte sur la mondialisation et les États-Unis, que j’incarne en partie.

Vous êtes l’auteur de plusieurs livres remarqués sur la question gay. Dans Mainstream, vous racontez comment Michael Eisner, PDG de Disney, s’est opposé à ce que sa marque soit associée à l’homosexualité. La “question gay” pourra-t-elle un jour être soluble dans la culture mainstream ?
Selon moi, c’est déjà presque le cas. Vous savez, la frontière entre contre-culture et culture marchande est très poreuse. Contrairement à ce que veut nous faire croire une certaine élite culturelle “à la Télérama”, les indépendants nourrissent constamment les industries culturelles, et inversement. Les industries culturelles savent valoriser la prise de risque, elles intègrent l’audace des cultures indé. Les contre-cultures gays n’échappent pas à la règle et nourrissent le système. Au delà de ça, le mainstream peut favoriser l’émancipation des gays dans de nombreux pays. Quand vous êtes gay dans un pays arabe, le cinéma américain est évidemment émancipateur…

Un des constats de votre travail, c’est que dans la bataille de la culture mainstream, l’Europe est à la traîne…
Partout dans le monde, les cultures nationales vont plutôt bien, c’est la bonne nouvelle de mon livre. L’information, la musique, l’édition sont souvent nationales, et se portent bien. En revanche, peu de ces cultures nationales parviennent à traverser les frontières, à l’exception de celle des États-Unis. Si l’on évoque le mainstream, la seule culture qui unisse les Européens est une culture américaine.

Dans votre livre, vous donnez l’impression d’être totalement fasciné par la culture mainstream. En êtes-vous personnellement un gros consommateur ?
Ma matrice est plutôt contre-culturelle. J’ai été nourri notamment par la contre-culture gay. Je suis passionné par la danse contemporaine, le théâtre, l’art contemporain. Mais il me semble que l’on peut aussi essayer de s’intéresser à ces cultures qui séduisent des millions de personnes. Dans mon livre, j’ai essayé de ne pas juger ces œuvres… Vous pouvez vous moquer de ces cultures mainstream comme certains, mais ce sont des millions de gens que vous méprisez. Je suis opposé à ces intellectuels gauchistes qui expliquent la mondialisation depuis leur salon et se plaignent constamment des goûts du peuple…

La culture mainstream est plus proche du loisir, de l’objet de consommation. Il y a finalement peu de culture dans ce qui est mainstream
Je ne suis pas d’accord avec cette définition, qui implique une sorte de “catéchisme de la culture” que je combats. Chacun est juge de ce qui peut lui plaire et de ce qu’il veut considérer comme étant de la culture… Votre conception de la culture permet de défendre le statut d’une élite bourgeoise blanche parisienne. Partout dans le monde, ces hiérarchies très françaises instituées à l’intérieur de la culture n’existent pas. Soyons plus ouverts !

Mainstream. Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde de Frédéric Martel (Flammarion, 460 pages)

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