Centres de transition

Louis Letertre est depuis l’été dernier coordinateur associatif pour Chrysalide, “association militante de support et de diffusion d’informations sur les transidentités“.

Tous les trans ne souhaitent pas nécessairement changer de sexe… Faut-il faire une distinction entre personnes transgenres et personnes transsexuelles ? 
À Chrysalide, nous ne reprenons pas forcément cette distinction comme le font d’autres associations. Il ya beaucoup de termes pour nous définir : personnes transgenres, transsexuelles, transidentitaires… La juridiction européenne utilise souvent le mot “transgender“, comme le fait, par exemple Thomas Hammarberg. Certains médecins, pour leur part, préfèrent parler de transsexualisme, mais nous n’utilisons pas ce mot-là car il est porteur de connotations pathologiques. Nous préférons parler de transidentité, ce qui permet d’inclure tout le monde sans obliger personne à rentrer dans des cases, des moules préétablis. Qu’elles soient opérées ou non, toutes les personnes transidentitaires subissent en effet les mêmes discriminations.

On a beaucoup parlé l’an dernier de “dépsychiatrisation“ des trans par le ministère de la Santé. Qu’en est-il réellement ? 
Roselyne Bachelot n’a pas “dépsychiatrisé“ les trans, elle a simplement sorti ce que les médecins appellent le “syndrome de Benjamin“ de la liste des affections psychiatriques de longue durée. Une vraie dépsychiatrisation consisterait à laisser à chacun la liberté de consulter ou non un psychiatre, un psychologue, un psychanalyste ou un psychothérapeute avant, pendant et après son processus de transition.

Au printemps 2010, la Haute Autorité de Santé a rendu public un rapport prônant la création de centres de référence pour les personnes trans. Quel regard portez-vous sur ce projet ? 
Il est actuellement à l’étude. Des réunions ont lieu au ministère de la Santé et deux représentants des trans y sont associés. Pour nous, il constitue un retour en arrière car il revient notamment à légitimer le rôle des psychiatres dans le parcours des trans. À l’heure actuelle, une personne désirant suivre un programme de réassignation au sein d’une équipe hospitalière publique (seule voie permettant une prise en charge à 100% par la Sécurité sociale, NdlR) doit correspondre à un certain nombre de critères : être séronégatif, ne pas avoir pratiqué la prostitution, ne pas être marié, ne pas avoir d’enfant mineur, être hétérosexuel dans son genre d’arrivée… Autant de barrières qui constituent de réelles discriminations. D’autant que ces critères sont à la discrétion de chaque équipe hospitalière : il n’existe pas de protocole unique dans toute la France. À Lyon, par exemple, les personnes séropositives peuvent être opérées, heureusement.

Quelles sont alors vos attentes par rapport à ces futurs centres ? 
Nous demandons à la ministre de la Santé d’intégrer des personnes trans dans toutes ses réflexions et d’écouter les associations de trans. C’est très important car, comme les séropositifs dans les années 80, nous avons une connaissance du sujet, une motivation et une expertise qui sont essentielles. Mais dans l’idéal, on ne veut pas de ces centres de référence, ou alors sans psychiatrisation, avec une réelle formation des personnels soignants (chirurgiens, endocrinologues…). Nous défendons également le libre choix de son médecin, qui disparaîtrait avec ces centres alors qu’il figure pourtant dans le Code de la déontologie médicale. Car à l’heure actuelle, le ministère nous promet que le passage par ces centres ne sera pas obligatoire mais, dans la pratique, on peut craindre que les médecins refusent certains patients et les redirigent vers ces centres. Or, pour nous, le privé est encore la meilleure solution parce qu’il permet de véritables choix dans le parcours individuel des trans.

On a l’impression tout de même que les choses bougent, quoique doucement, sur les questions trans… Est-ce de la poudre aux yeux ou une avancée réelle ? 
On n’est plus dans les années 70 : les choses évoluent, mais il est trop tôt pour dire dans quel sens puisque nous ne connaissons pas encore le résultat des négociations qui se déroulent actuellement au ministère. Pour l’instant, c’est plutôt mal parti mais on continue d’espérer une amélioration… En dehors de cela, nous avons toujours des difficultés à avoir accès aux media pour qu’ils parlent de nous dans les termes qui nous conviennent et sans tomber dans le sensationnalisme. Et il y a toujours des stigmatisations, des discriminations, des violences, des suicides, des viols…

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