Terminus Asylum

UN TRAMWAYIl est des affiches trop parfaites dont on aurait tendance à se méfier. L’œuvre majeure d’un dramaturge américain, retraduite par un auteur libano-canadien qui a le vent en poupe, dirigée par un metteur en scène polonais loué de toutes parts et dont l’héroïne est interprétée par une actrice française abonnée aux rôles de démentes : ainsi se présente à nous Un Tramway, d’après Un tramway nommé Désir de Tennessee Williams, dont le texte a été retravaillé par Wajdi Mouawad et adapté par Krzysztof Warlikowski, qui a fait appel à Isabelle Huppert pour incarner Blanche DuBois. On conserve un souvenir intense de l’interprétation d’Isabelle Huppert, statique et magistrale dans la mise en scène de 4.48 Psychose de Sarah Kane proposée par Claude Régy. Et l’on doit bien avouer avoir pris un plaisir coupable à suivre l’épisode de New-York Unité Spéciale diffusé sur TF1 le 8 novembre dernier où Huppert, en Médée déchaînée, donnait la réplique à une Sharon Stone sur le retour. Ainsi, malgré un casting calibré pour le marketing, on ne passera pas à côté de cette grande actrice dans le rôle de Blanche DuBois, fille trop sage qui a fait les bonnes études et épousé le bon mari et qui se retrouve finalement contrainte de se réfugier chez sa sœur mariée à un homme brutal lorsque les apparences de son existence bourgeoise s’effondrent. Dans la moiteur de la Nouvelle-Orléans, Blanche doit faire face à toutes les pulsions qu’elle avait jusqu’alors pris soin de réprimer et sombre peu à peu dans la folie. Warlikowski, qui s’est déjà intéressé au théâtre américain en montant Angels in America de Tony Kushner en 2007, offre à ses acteurs un plateau de jeu sans faux-semblant où la maison elle-même, sanitaires apparents, est mise à nu. Sous la lumière crue et la caméra inquisitrice, les personnages sont comme des insectes passés au microscope. Les tensions sont palpables, la violence omniprésente et l’issue de l’intrigue ne fait guère de mystère : ce n’est pas tant la chute finale que le processus d’aliénation en cours qui est donné à voir par le metteur en scène. Et dans ce registre, Isabelle Huppert règne sans partage.

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