La Corde d’Hitchcock programmé à l’Institut Lumière

Impossible de ne pas se réjouir à l’annonce de la rétrospective Hitchcock programmée en ce début d’année à l’Institut Lumière. Et pourtant, bien que nul ne conteste le génie indépassable du réalisateur des Oiseaux ou de Sueurs Froides, celui-ci ne passe pas, à juste titre, pour un auteur particulièrement gay-friendly. Si l’obsession sexuelle d’Hitchcock est bien connue, ses fantasmes l’inclinaient plutôt vers les grandes blondes glaciales à la Grace Kelly ou à la Tippi Hedren que vers les gros moustachus ou les jeunes éphèbes à peine sortis de l’adolescence. Un seul de ses films aborde, et encore de manière détournée, le sujet de l’homosexualité, mais cette unique occurrence constitue une étape charnière dans l’histoire de la représentation à l’écran des amours interdites, comme l’a montré en 1981 l’essayiste Vito Russo dans son ouvrage de référence sur la question, The Celluloid Closet. Dans La Corde (1948), deux étudiants étranglent (avec une corde, donc) l’un de leurs camarades sans motif réel, pour le seul plaisir de se prouver qu’ils sont des êtres supérieurs capables de réaliser “le crime parfait“ et insoupçonnable. Puis, ils invitent la famille et les proches de la victime à dîner dans leur appartement en servant un buffet sur la malle dans laquelle gît le corps… À aucun moment, bien sûr, il n’est clairement dit que les deux meurtriers entretiennent une liaison : le Code Hays, instauré en 1934, régissait encore à l’époque les règles de la décence à Hollywood. Pour autant, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que ces deux-là sont un peu plus que de simples colocataires… La vision de l’homosexualité développée dans La Corde est donc profondément ambivalente, pour ne pas dire ambigüe. Le film présente certes les gays comme des êtres d’une intelligence machiavélique et manipulatrice, au-dessus de la morale commune. Mais il a aussi le mérite d’oser jouer avec la censure afin de montrer une réalité sociale totalement occultée dans la production hollywoodienne d’alors.

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