«Pas d’échange d’argent»

Gilles Bon-Maury est président de l’association Homosexualités et Socialisme (HES), association proche du Parti Socialiste. En décembre dernier, il a signé un appel publié dans Le Monde appelant à l’instauration d’un «cadre» pour la gestation pour autrui (GPA).

Quelles règles faudrait-il, selon vous, instaurer pour éviter des dérives, si la GPA venait à être légalisée ?
Nous partons du principe que ce n’est pas la GPA en elle-même qui pose problème mais les conditions de sa mise en pratique. Il y a en effet aujourd’hui des pays où la GPA se passe très mal et d’autres où elle se passe bien. C’est pourquoi nous réclamons des conditions concernant à la fois la femme qui va porter l’enfant et le projet parental. Pour que la GPA ne devienne pas un métier, il faudrait limiter le nombre de gestations par femme (à deux, par exemple). Il faudrait également réserver cette possibilité aux seules femmes qui sont déjà mères d’un enfant, de sorte que puisse s’exercer un consentement véritablement éclairé, venant d’une femme qui a déjà connu une grossesse. Pour éviter toute marchandisation, il ne doit pas y avoir d’échange d’argent entre les parents et la gestatrice. Le modèle français pourrait ainsi reposer, non pas sur un contrat, mais sur l’intervention des pouvoirs publics. En l’occurrence, un juge serait chargé de donner son accord, après avoir vérifié que toutes les conditions sont respectées. Cette décision donnerait alors lieu au versement à la gestatrice d’une indemnisation par la branche “Famille” de la Sécurité sociale et d’une contribution financière par les futurs parents, en fonction de leurs ressources. On souhaite que le projet parental soit mesuré de la même façon que lors d’une demande d’adoption, ce qui nécessite aussi de vérifier les liens entre la gestatrice et les futurs parents. Je pense que ce serait une très mauvaise idée d’autoriser une femme à porter l’enfant de sa sœur, car cela perturberait l’équilibre de la famille. Mais il faut préciser que les signataires de cet appel paru dans Le Monde, s’ils sont tous favorables à une légalisation de la GPA, ne sont pas toujours d’accord sur les conditions qu’il faudrait y instaurer : la députée socialiste Michèle André, par exemple, elle aussi signataire de l’appel, a déposé une proposition de loi qui ne pose pas exactement les mêmes contraintes que celles souhaitées par HES.

Quel est le modèle, parmi les pays qui ont légalisé la GPA, qui se rapproche le plus de ce que vous proposez ?
Difficile à dire, car l’intervention des pouvoirs publics, telle que nous la proposons, constitue justement un modèle très français. On ne cherche pas à imiter un exemple étranger mais à inventer quelque chose qui rentre dans le cadre juridique de notre pays. Nous ne voulons ni d’une GPA légale dépourvue de tout encadrement (comme en Ukraine ou en Inde), ni d’une GPA régie par l’argent (comme aux États-Unis).

Mais la GPA peut-elle vraiment se faire en dehors de toute transaction financière ? Ses opposants dénoncent des formes de rétribution non-déclarées, des dessous de table…
Seule la loi peut remédier à cela. Si on considère qu’il est impossible d’empêcher des contournements de la loi, alors il faut être logique avec soi-même et considérer également qu’il est impossible d’empêcher la GPA… S’il y a des dérives, alors il y aura des sanctions.

N’y a-t-il pas également un risque psychologique pour ces femmes qui ont porté un enfant pendant neuf mois et qui s’en trouvent dépossédées à l’accouchement ? 
Dans le modèle que nous défendons, la gestatrice devrait obligatoirement avoir déjà été enceinte : cela lui permettrait de prendre sa décision de manière éclairée et en connaissance de cause, tout en évitant qu’elle ne se «projette» dans l’enfant à naître comme dans les enfants qu’elle aura déjà. La proposition de loi déposée par Michèle André incluait initialement un «droit au remords» qui pouvait s’exercer jusqu’à trois jours après l’accouchement, mais HES y est très hostile car nous pensons que, pour préserver la solidité du projet parental, les choses doivent être sûres et certaines dès le départ, sans revirement possible après la naissance.

 

Gilles Bon-Maury

16 avril 1978 : naît à Blois (Loir-et-Cher)
1997 : adhère au Parti Socialiste
2003 : rejoint le bureau national d’Homosexualités et Socialisme (HES) en tant que vice-président chargé des relations européennes
2005 : participe à la création de Rainbow Rose, association qui fédère les groupes socialistes gays et lesbiens européens
2007 : élu président d’HES
2010 : publie Familles en miettes, plaidoyer en faveur de la gestation pour autrui

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