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Mariage gay : ultime roue de secours d’une institution dépassée ?

Au-delà de la revendication d’égalité, le débat autour du “mariage gay” nous oblige à reconsidérer la valeur accordée à cette institution.

Entre la récente décision du Conseil constitutionnel (qui a estimé, le 28 janvier dernier, que réserver le mariage aux seuls couples de sexe différent n’était pas contraire à la Constitution) et le mariage «symbolique» célébré début février par la maire de Montpellier Hélène Mandroux, il aura beaucoup été question en ce début d’année d’union entre personnes du même sexe. Rien de bien surprenant à cela : depuis que, le 1er avril 2001, les Pays-Bas ont été le premier pays au monde à autoriser le mariage gay, le sujet revient régulièrement, tel un serpent de mer, au cœur des débats qui agitent la société. Et si on en croit les enquêtes d’opinion, les Français, d’abord largement hostiles à cette évolution, auraient fortement évolué en dix ans pour y être aujourd’hui en majorité favorables : à 58% selon un sondage TNS Sofres réalisé pour Canal + et publié fin janvier.

Inversions des valeurs

L’une des raisons de ce renversement de tendance tient sans doute au fait que le mouvement homosexuel a su présenter cette revendication comme une exigence d’égalité, non comme la création d’un nouveau droit spécifique, mais comme l’accession à un droit déjà existant. Mais ce combat interroge également le statut du mariage dans nos sociétés occidentales.

Naguère, celui-ci était une valeur défendue presque exclusivement par la droite et la bourgeoisie, mais décriée par une bonne partie de la gauche et des libertaires comme un cadre oppressant qui légitimerait la domination masculine et “dessècherait l’amour“ (que l’on pense par exemple à la chanson de Brassens, La Non-demande en mariage). Aujourd’hui, le héraut de la droite française est un homme deux fois divorcé dont le parti s’oppose au mariage homosexuel, tandis que la gauche, du Nouveau Parti Anticapitaliste au Parti Socialiste, est pour une fois unanime à demander sa légalisation, au point que beaucoup des partisans du mariage mettent aujourd’hui tous leurs espoirs dans une éventuelle alternance aux élections de l’an prochain.

Le mariage est-il la panacée ?

Même chez les homosexuels, le mariage gay a ses détracteurs. Ceux-là estiment qu’il témoigne d’une normalisation et d’un appauvrissement des luttes homosexuelles qui, lorsqu’elles ont commencé à se développer dans les années 70, ne revendiquaient pas en effet le droit au mariage : ce combat n’est apparu que plus tardivement, notamment en France où la priorité était d’obtenir d’abord la dépénalisation complète de l’homosexualité. À leurs yeux, il s’agit d’une institution dépassée, inappropriée aux relations de couple modernes, singulièrement entre personnes du même sexe. On retrouve alors l’habituel clivage entre partisans du droit à la différence et ceux du droit à l’indifférence : ceux qui pensent que l’homosexualité constitue par nature une altérité radicale, marginale, forcément subversive et anticonformiste et ceux qui jugent au contraire qu’elle constitue une forme de sexualité comme une autre, quitte à se fondre dans le moule “hétéro-patriarcal“ du mariage.

Enfin, il y a ceux qui demandent le mariage au nom du principe d’égalité et pour autrui, mais ne souhaitent pas eux-mêmes se marier. C’est le cas par exemple de Bruno, 44 ans, en couple depuis cinq ans. «Oui, il faut se battre pour le mariage, mais en gardant à l’esprit que celui-ci présente aussi de gros inconvénients. Un divorce, aujourd’hui, ça coûte 3000€ à chacun des deux partenaires ! Alors, peut-être faudrait-il militer pour une refonte plus large du mariage, pas seulement pour l’ouvrir aux couples homosexuels».

 

À lire

Benoît Duteurtre, Noce gay pour petits-bourgeois, in Libération, 2 juin 2004
Éric Fassin, Lieux d’invention, in Vacarme n°29, 2004
Daniel Garcia, La Folle histoire du mariage gay, éditions Flammarion, 2004

 

Illustration © Vergine Keaton

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