Amère, la pute

110404_4actusimlgendeThierrySchaffauserLe 18 mars se sont tenues à Lyon les Assises de la prostitution, qui ont permis de faire le point sur les inquiétudes et les revendications des travailleurs du sexe.

À l’invitation du collectif Droits et prostitution, du Syndicat du Travail Sexuel (STRASS) et de l’association Cabiria, des prostitué(e)s et des militants de toute la France étaient conviés à se réunir à Lyon quelques jours seulement avant que ne soit rendu public le rapport d’une mission d’information sur la prostitution en France, créée en juin 2010 et conduite par deux députés : la socialiste Danielle Bousquet (présidente) et l’UMP Guy Geoffroy (rapporteur). Depuis plusieurs semaines déjà, ceux-ci défendent le principe, d’inspiration clairement abolitionniste (favorable à l’abolition de la prostitution), d’une pénalisation du client : une idée qui recueille l’assentiment de certaines associations comme le Mouvement du Nid mais qui est en revanche rejetée en bloc par tous les participants aux Assises lyonnaises. Pour Thierry Schaffauser, prostitué depuis huit ans et membre du STRASS, la pénalisation des clients constituerait «une ingérence de l’État dans la sexualité d’adultes consentants, du jamais vu depuis 1982» (année de la dépénalisation de l’homosexualité). Selon le psychologue Miguel-Ange Garzo, elle aurait «des conséquences sanitaires dramatiques» en reléguant un peu plus la prostitution dans la clandestinité, donc dans des zones de non-droit où les travailleurs du sexe seraient à la merci d’un client violent ou dangereux et moins aptes à refuser des prestations non-voulues ou non-protégées.

Non aux maisons closes

Comment, dans ces conditions, améliorer la situation des prostitué(e)s ? Karen, prostituée à Gerland, n’est pas favorable à la réouverture des maisons closes, fermées par Marthe Richard en 1946, car «cela reviendrait à parquer les filles de façon systématique» sans leur laisser la possibilité de travailler dans la rue et sans même garantir leur autonomie financière : «en Espagne, les filles dans les bordels ne gagnent que 15€ sur une passe tarifée 80€ au client». En revanche, Karen serait plutôt favorable à l’ouverture de «bordels autogérés», comme il en existe en Thaïlande, dans lesquels les prostitué(e)s exerceraient leur métier indépendamment et librement, sans être chapeauté(e)s par une “mère maquerelle“. Mais cette solution est, selon elle, rendue impossible par les actuelles dispositions visant à lutter contre les souteneurs, qui assimilent toute forme de solidarité envers les prostitué(e)s, même la location d’un appartement ou d’un immeuble, à du proxénétisme. Une évolution de la législation encadrant la prostitution semble donc nécessaire, mais il n’est pas certain que celle actuellement étudiée constitue une réelle avancée.

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