La Capelle et les cons

Je n’irai plus à La Capelle-et-Masmolène. Petit village à côté d’Uzès dans le Gard, où d’étonnants rochers sont adorés des grimpeurs, où un gentil petit étang accueille chevaux, taureaux et flamants roses selon la saison.

La Capelle-et-Masmolène, où il faut se lever tôt pour voir un Arabe, un noir ou quiconque portant sur son visage les signes d’une origine étrangère, compte 302 habitants. 164 sont allés voter ; 52 pour le candidat UMP, 46 pour le candidat du Front national, 24 pour le candidat PS. Je n’irai plus à La Capelle-et-Masmolène. Les hameaux, villages et plus grandes villes sont nombreux, dans le sud de la France, où 30% des voix se sont dirigées vers les représentants du FN au premier tour des cantonales. Tous, parmi ces électeurs, n’ont pas perdu leur emploi cette année, ne rencontrent pas d’extrêmes difficultés pour manger, ne sont pas dans cette détresse qui justifierait selon beaucoup l’aigreur et la méchanceté. Sophia Aram, chroniqueuse-humoriste sur France Inter, a eu le malheur de mettre en cause le dogme selon lequel «il faudrait arrêter de culpabiliser les personnes qui votent Front national. Il faudrait cesser ce genre de raccourcis qui consiste à dire qu’ils ne sont que des gros cons». Pour faire court, dans sa chronique, elle revendique le droit de traiter les électeurs du FN de «gros cons». Elle n’insulte pas les individus, complexes et parfois désespérés, qui se sont livrés à cet acte stupide ; elle s’en prend aux membres d’une catégorie politique. De façon grossière certes, mais la grossièreté, lorsqu’elle concerne les femmes, les homos ou les étrangers, semble bien moins déranger. François Bayrou, présent dans le studio pendant la chronique, a entrepris de faire la morale à l’imprudente. Guy Carlier, sur Europe 1, n’a quant à lui pas emprunté le ton professoral et enveloppant de l’ex-troisième homme : il a tout simplement traité Sophia Aram de «petite conne cherchant à faire le buzz et à remplir ses salles de spectacles», l’interpellant sur le mode «ma petite poule». Passons sur la misogynie. Depuis trente ans, on accuse la gauche de chercher à expliquer la violence d’une partie de la population française, notamment dans les banlieues. Un sociologue ou un(e) politique essaie-t-il de réfléchir aux origines sociales de cette violence, à la désocialisation, au legs symbolique de la colonisation (etc.), il est immédiatement taxé d’angélisme, de laxisme. Et s’il était possible de condamner un comportement – caillasser des pompiers ou voter Front national – tout en cherchant à saisir les mécanismes qui l’ont produit et rendu possible. Plus aucun homme ni aucune femme politique ne semble vouloir rendre les Français meilleurs ; il ne faudra pas s’étonner si, un jour, ne restent que gros cons et délinquants.

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