« Un refus peut être perçu violemment »

Dominick Descharles est chargé de prévention gay à l’association AIDES, qui fait campagne «pour plus de respect et de solidarité» entre les personnes LGBT.

Pourquoi une association de lutte contre le sida se préoccupe-t-elle des discriminations entre personnes LGBT ?
Notre champ d’action, ce n’est pas uniquement la lutte contre le VIH, mais la santé globale des personnes. Celle-ci passe nécessairement par une bonne estime de soi. Or, de retour de leurs actions sur le terrain, les militants de AIDES se sont aperçus que, dans la communauté LGBT, les personnes les plus âgées, celles qui n’ont pas un physique de mannequin ou qui sont séropositives éprouvent les plus grandes difficultés à faire des rencontres, amicales mais surtout sentimentales ou sexuelles. Et elles en viennent alors parfois à adopter des conduites à risque pour avoir de plus grandes chances de trouver un partenaire sexuel.

Victimes elles-mêmes de discriminations, les personnes LGBT vous semblent-elles plus inclines à discriminer à leur tour ?
Je dirais plutôt que, par souci d’intégration et de plus grande acceptation, la communauté LGBT a importé certains clichés venus de la société hétéronormée. Cette demande normative se fait d’autant plus sentir que le contexte national n’est pas favorable à l’acceptation des différences. Mais cette volonté de donner à la société une “bonne” image de l’homosexualité en excluant les folles, les séropositifs ou les personnes soi-disant trop stéréotypées est de toute façon vouée à l’échec, car notre communauté, à l’image de la communauté nationale, est plurielle.

Pourquoi s’emparer du sujet aujourd’hui ? Avez-vous le sentiment que les discriminations entre personnes LGBT augmentent ?
Non, cette campagne n’est pas vraiment liée à une actualité brûlante, mais s’inscrit plutôt dans la continuité de l’histoire de AIDES. Depuis sa création, notre association est passée par trois étapes : durant les premières années, nous accompagnions hélas bien souvent les malades vers une issue fatale. Avec l’arrivée des trithérapies, il a fallu les aider à se projeter à nouveau dans l’avenir. Aujourd’hui, notre rôle consiste également à leur permettre de trouver une place dans la société et un épanouissement sentimental et sexuel.

Dans un contexte particulier de drague, où s’arrête le libre choix de ses partenaires et où commence la discrimination ?
Chacun a évidemment le choix de ses partenaires, mais nous voulions souligner que la recherche d’un modèle de perfection était souvent trompeuse, que l’imperfection avait aussi ses charmes et ses plaisirs. Attention aussi à la façon dont on refuse le partenaire : ce refus peut-être perçu violemment par la personne éconduite et devenir alors source de mésestime de soi-même. Quoi de pire en effet que de se sentir rejeté par la communauté à laquelle on a l’impression d’appartenir ?

Refuser une relation sexuelle avec un séropositif, est-ce le discriminer ou simplement craindre pour sa santé ?
Tout dépend de ce qui motive cette décision : est-ce la personne séropositive en elle-même ou est-ce la peur d’attraper le VIH ? Le rejet des séropositifs vient souvent d’une méconnaissance de la maladie et particulièrement de ses modes de transmission. Nous voulions pointer cela du doigt pour montrer qu’on peut avoir une relation amoureuse ou sexuelle avec un séropositif.

Croyez-vous que l’on puisse continuer à parler de “communauté LGBT” malgré ces discriminations ?
AIDES n’est pas une association communautariste, mais communautaire. Cela signifie qu’il existe à nos yeux, dans certains groupes de population, des particularités qu’il est important de prendre en compte pour améliorer l’accès aux soins de tous. En ce sens, oui, la communauté LGBT est une réalité, mais nous ne voulons pas tomber dans le communautarisme : si nous voulons être acceptés par la société, il faut que nous nous ouvrions nous aussi à l’extérieur.

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