“Ces appels peuvent avoir des effets pervers”

Sociologue et militante queer, Marie-Hélène Bourcier vient de faire paraître Queer Zones 3, identités, cultures, politiques (éditions Amsterdam).

Qu’est-ce qui vous gêne dans les appels à la dépénalisation de l’homosexualité ?
Ce qui est gênant avec le terme «homosexualité», c’est qu’il évacue complètement la questions des genres. Résultat : à chaque fois qu’on avance en matière de lutte contre les discriminations, c’est pour mieux mettre en avant un modèle très normatif, pour aboutir à un nouvel archétype gay masculiniste. C’était particulièrement flagrant dans la demande d’abrogation de loi Don’t Ask Don’t Tell (qui interdisait aux militaires américains de déclarer leur homosexualité, NdlR), dont il ressortait clairement qu’un bon gay devait forcément être viril et en mesure de défendre son pays !

Des initiatives comme la Journée mondiale contre l’homophobie ne vous semblent donc pas utiles ?
Je sais bien que la France se veut le pays des droits de l’homme et que les activistes français sont toujours prêts à faire cocorico à la tribune des Nations-Unies à la manière d’un Dominique de Villepin, mais franchement, pour m’être rendue plusieurs fois en Amérique latine, je peux vous dire que les Mexicains, par exemple, n’ont pas besoin de cette Journée, qu’ils s’en fichent complètement et que leur agenda n’est pas du tout «séquencé» comme le nôtre. Plutôt que de se préoccuper une année des gays, la suivante des lesbiennes et l’année d’après des trans, eux préfèrent parler, plus globalement, de «diversité sexuelle».

Quels sont pour vous les risques que comportent de telles initiatives ?
Aucun terme ne peut prétendre résumer à lui tout seul la totalité de la diversité sexuelle dans le monde, a fortiori pas le terme d’«homosexualité». Les appels à la dépénalisation mondiale peuvent même avoir des effets pervers en introduisant ce mot dans des pays où il n’est pas, ou peu, utilisé et en désignant soudain des gens comme «homosexuels» alors qu’ils ne se percevaient pas ainsi.

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