Du côté de chez Truman Capote

120129_..multimediaarticles11111510grosplancultureimOn célèbre cette année le cinquantième anniversaire de Diamants sur canapé, l’occasion parfaite pour redécouvrir Truman Capote, l’auteur du roman dont le film est issu.

Truman Capote est sans doute le plus grand observateur des mœurs de la seconde moitié du XXe siècle. Mais avant d’être cela, il n’était qu’un simple assistant au New-Yorker, commère, bavard et curieux. Il faut attendre 1958 pour que Truman Capote connaisse un grand succès avec Petit Déjeuner chez Tiffany, court roman où l’auteur déploie son talent et impose un style léger, futile mais en réalité plein de discernement, subtil et moqueur. Sa vie prend alors un tournant plus grave suite à l’assassinat par deux vagabonds d’une famille dans le Kansas. Capote est dépêché par le New-Yorker pour couvrir l’événement et surtout commencer un roman basé sur ces faits. Il se lance alors dans un projet colossal, dans lequel il s’implique affectivement (auprès d’un des coupables), effectue un nombre incalculable d’allers-retours, écoute des dizaines de témoins et se heurte à l’hostilité de l’inspecteur chargé de l’enquête. Car Capote est en complet décalage : il débarque au fin fond du Kansas emmitouflé dans des petites écharpes coûteuses, affublé de manières délicates et parlant de sa voix haut-perchée. Face à des habitants insensibles à ses charmes et pas très gay-friendly, il se décourage à maintes reprises. Six ans plus tard, il achève enfin l’écriture du roman et les coupables sont pendus, sous les yeux de Truman qui écrit alors à son ami le photographe gay Cecil Beaton : «Perry et Dick ont été pendus mardi dernier. J’étais là parce qu’ils me l’avaient demandé. Ce fut une épreuve atroce. Dont je ne me remettrai jamais complètement». De fait, Truman Capote sort de cette expérience changé, épuisé et ne renouera jamais tout à fait avec le métier d’écrivain. Il venait pourtant d’inventer un genre, le «roman non-fiction», brouillant les pistes entre la réalité et la fiction, alternant analyse crédible et psychologie pénétrante avec des dialogues inventés, des détails imaginaires mais tellement justes qu’ils auraient pu être vrais.

Ça capote

Par la suite, Capote écrit cependant quelques très bonnes nouvelles (dont L’Invité d’un jour), s’alcoolise et alterne isolement total et cures de désintoxication. C’est dans ce contexte qu’il se lance dans une œuvre (modeste !) censée s’inscrire dans le sillon de À la Recherche du temps perdu, dans laquelle il cherche à dépeindre au plus juste la société dans laquelle il vit, celle des mondains, des acteurs, des réalisateurs et des starlettes. Il aime alors s’imaginer que tous les gens qui l’entourent tremblent à l’idée d’être croqués dans ce nouveau roman. Agitant l’index, il prévient : «je vous conseille de faire attention ou vous allez y passer !». C’est la revue Esquire qui publie les trois premiers (et derniers) chapitres de cette grande œuvre avortée, finalement éditée de façon posthume en 1986 sous le titre Prières exaucées. L’histoire se résume aux aventures d’un gigolo qui rencontre et égratigne tout le gratin mondain de l’époque : Colette, Cocteau, «ce louchon de Sartre et sa taupe de Beauvoir»… À la parution de ces lignes, Truman Capote se brouille évidemment avec tous ses amis ainsi croqués. Lucide face à l’échec de sa propre Recherche du temps perdu, il reconnaît alors : «je ne suis pas Proust. Je ne suis pas aussi intelligent et cultivé qu’il l’était (…) Mais mon œil est aussi perçant que le sien. Le moindre détail ! Je vois tout ! Rien ne m’échappe ! Ce que je relate est vrai, est réel, est écrit, à mon avis, dans le style le meilleur auquel puisse prétendre n’importe quel écrivain américain. (…) Si Proust était Américain et vivait actuellement à New-York, voilà ce qu’il écrirait». Sauf que Proust, à l’inverse de Capote, aurait alors sans doute pris la précaution, comme il le fit dans La Recherche, de changer les noms des protagonistes…

 

Biographie

_1924_ : Naissance de Truman Streckfus Persons à la Nouvelle-Orléans
_1932_ : S’installe à New-York vivre chez sa mère et son beau-père, Joseph Capote, qui le reconnaît
_1948_ : Rencontre avec l’auteur Jack Dunphy qui sera le véritable seul amour de sa vie
_1958_ : Parution de Breakfast at Tiffany’s
_1959_ : La famille Cutler est retrouvée assassinée à Holcomb dans le Kansas
_1961_ : Sortie du film Breakfast at Tiffany’s, de Blake Edwards, avec Audrey Hepburn
_1966_ : Parution de De Sang Froid
_1975_ : Parution du premier chapitre de Prières exaucées, intitulé La Côte Basque, 1965
_1984_ : Mort de Truman Capote à Hollywood suite à une surdose médicamenteuse
_2004_ : Découverte d’une nouvelle inédite, La Traversée de l’été

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