Édito de février

120320_1201294185852586107108776241000018609127996492481531314438n«Le communautarisme est aujourd’hui la première menace contre l’unité de notre nation.»
Marine Le Pen, discours à Rouen, 15 janvier 2012

Quasiment inutilisée dans le débat politique il y a encore une quinzaine d’années, l’étiquette infâmante du «communautarisme» est aujourd’hui mise à toutes les sauces et dénoncée avec autant de vigueur que de confusion. De l’extrême-droite à l’extrême-gauche, chacun s’accorde à proclamer ses méfaits et à accuser ses adversaires de collusion avec ce nouveau fléau des temps modernes. Ça ne mange pas de pain, ça n’engage à rien et cela permet de se tailler pour pas grand-chose un joli costume de garant de l’unité nationale. Et pourtant, on aurait tort de se contenter de ricaner devant l’hystérie dénonciatrice des Cassandres paniquées de voir émerger un autre modèle que le leur (blanc, masculin et âgé). Et bien plus tort encore de dénoncer derrière chaque défenseur de l’universalisme républicain un suppôt du Front national (comme le fait par exemple, dans un saisissant contre-sens, Didier Lestrade dans son dernier ouvrage, Pourquoi les gays sont passé à droite). Le communautarisme n’est malheureusement pas qu’un fantasme pour réactionnaires jouant à se faire peur ; c’est aussi une tentation, sinon parfois une réalité, qui traverse tout le corps social, encouragée par le recul de l’État, l’individualisme prôné par la société libérale et l’électoralisme de certains responsables politiques qui raisonnent en termes de «communautés» gay, juive, musulmane, arménienne… Pour y voir plus clair, peut-être faudrait-il admettre que tout ce qui est «communautaire» n’est pas automatiquement «communautariste». Lorsque des gays, des lesbiennes, des femmes, des Noirs, des Juifs ou des musulmans se regroupent entre eux, agissent de concert, luttent contre les discriminations qui les visent, défendent et mettent en valeur des aspects culturels ou historiques méconnus, leur démarche peut assurément être qualifiée de communautaire. Pour autant, ils ne font pas forcément là acte de sécession avec le restant de la société. Ils ne renient pas automatiquement leur appartenance à un cadre politique commun à tous. Ils ne réclament pas toujours des privilèges ou des règles spécifiques qui ne s’appliqueraient qu’à eux. Ce qui devrait être examiné à la loupe, plutôt que les moyens ou les stratégies mises en œuvre (qui peuvent à première vue paraître «communautaristes»), ce sont les intentions portées par ces mouvements. Visent-ils l’émancipation, l’égalité de tous les citoyens, ou au contraire cherchent-ils à enfermer certaines catégories de la population dans l’infériorité et les stéréotypes ? Il n’y a qu’en faisant cet effort, en acceptant la subtilité et la nuance, qu’on pourra séparer le bon grain de l’ivraie et s’engager de front sur deux impératifs : à la fois combattre efficacement le repli identitaire et cesser de refuser l’égalité pleine et entière de tous au nom d’un «anticommunautarisme» qui, parfois, cache mal son profond rejet de l’autre.

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