Mikael Buch: «J’ai toujours préféré le cinéma à la vie»

Le très cinéphile Mikael Buch signe avec Let my people go ! un premier film réjouissant sur la crise existentielle d’un jeune juif homosexuel.

De quelle manière votre cinéphilie a-t-elle influencé votre premier film ?
Je suis un fan de comédie américaine. La comédie française est très littéraire et repose beaucoup sur les dialogues. Je voulais quelque chose de plus burlesque, plus visuel, comme ce que font Judd Apatow ou Wes Anderson. Le cinéma hollywoodien des années cinquante ou des réalisateurs comme Jacques Demy m’ont également influencé. J’aime les cinéastes qui partent de l’intime et qui créent un monde de cinéma bigger than life.

Quel impact le cinéma a-t-il eu sur la construction de votre identité ?
J’étais un gamin solitaire et rêveur, je n’étais bien que face à un film. Le cinéma était pour moi une fenêtre sur le monde et un moyen d’évasion. En fait, j’ai toujours préféré le cinéma à la vie. Truffaut disait : «le septième art est meilleur que la vie parce qu’il ne comporte jamais de temps mort, c’est comme un train dans la nuit». Je suis d’accord avec lui.

Un des ressorts comiques du film, c’est le conflit entre les identités juives et homosexuelles. C’est un conflit que vous avez vous même vécu ?
Oui, absolument. Même si le film n’est pas totalement autobiographique. À travers le personnage de Ruben, je voulais montrer comment on pouvait faire coexister deux identités apparemment contradictoires, sans se renier. Chacun est obligé de se détacher de ses origines pour s’inventer soi-même. Mais souvent, ces origines vous rattrapent…

Vous vous considérez comme un cinéaste militant ?
Je suis sensible aux combats LGBT. Parler d’homosexualité au cinéma n’est plus un enjeu. Mais montrer des personnages qui ne sont pas seulement pris dans des contraintes sociologiques liées à l’homosexualité et qui existent en tant que personnages, cela reste vraiment à faire. Je pense aussi qu’il y a, dans le cinéma, un côté normatif sur ce que doit être un bon homosexuel. On nous présente des personnages homos très virils, qui occupent des professions importantes. Mon personnage est un facteur efféminé. Avec le personnage de Ruben, je voulais montrer une figure d’homosexuelle un peu fragilisée. Il y a un esprit queer qui se perd un peu !

Pourquoi avoir choisi Nicolas Maury comme acteur principal du film ?
Je l’ai rencontré quand j’étais à la Fémis (principale école de cinéma de Paris, NdlR). Je voulais faire de la comédie, mais ce n’est pas vraiment l’usage dans cette école. Et il se trouve que Nicolas a une forme de jeu qui s’y prête très bien. Ça m’a donné énormément de courage pour me lancer dans ce genre-là. J’ai fait deux courts-métrages avec lui. On se connaît et on se comprend très bien.

Christophe Honoré a signé le scénario du film. Son univers semble tellement éloigné de celui de Let my people go ! qu’on a du mal à s’imaginer qu’il ait eu une grande influence.
J’ai rencontré Christophe Honoré à la Fémis également, c’était mon tuteur en dernière année d’études. Il m’a beaucoup aidé sur mes courts-métrages. Il connaissait bien le cinéma que j’aimais et que je voulais faire. Il m’a permis de mettre de l’ordre dans mes idées. C’était un complice, plus qu’une influence. Nos films sont différents comme on peut être différent humainement.

Comment jugez-vous l’accueil critique qui a été réservé à votre film ?
Quand on fait une comédie, on sait que ce sera compliqué, surtout lorsque l’on réalise un film qui affirme l’artifice, alors que le vérisme est très en vogue. À partir de là, les réactions ont été tranchées : il y a les gens qui acceptent cette possibilité-là de cinéma et les autres. Mais très peu de critiques m’importent en France, à vrai dire.

 

Critique

Une «french comédie», promet l’affiche. Let my people go ! contient pourtant un meurtre, un vol d’argent, une rupture, un divorce, de l’adultère et une bonne dose de religion. Heureusement, pour égayer le tout, Mikael Buch a un ingrédient miracle dont il saupoudre généreusement son premier long-métrage : l’absurde. Nous suivons l’histoire de Ruben (Nicolas Maury), jeune juif homosexuel exilé en Finlande pour échapper à sa famille et au poids des traditions. À son retour en France, les retrouvailles avec sa famille psychotique donnent naissance à de nombreuses situations très rafraîchissantes. Entre sa mère envahissante (Carmen Maura), son père démissionnaire (Jean-François Stévenin), son frère agressif (Clément Sibony) et sa sœur dépressive (Amira Casar), le pauvre Ruben va apprendre qu’on ne peut pas échapper à ses origines. Les tempéraments sont excessifs et les intrigues basiques, mais les excellents jeux de cette brochette d’acteurs viennent pimenter la donne. Exit les questionnements lourds sur l’identité sexuelle ou la difficulté d’être juif et gay, tout n’est qu’insouciance dans le petit monde de Mikael Buch. Il ne reste alors plus qu’à se caler confortablement dans son fauteuil et à profiter des gags…
Aurélien Lamy

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