David Souvestre : «le Front national n’est pas un parti républicain»

David Souvestre est président de la Lesbian & Gay Pride de Lyon, qui, avec d’autres associations LGBT, a publié le 27 mars un argumentaire contre le Front national.

Pourquoi le Front national (FN) n’était-il pas convié au “meeting pour l’Égalité” organisé samedi 31 mars à Paris ?

front nationalDavid Souvestre : Nous pensons que ce n’est pas le rôle des associations de défense des droits humains que d’offrir une tribune au Front national, qui dispose déjà de suffisamment de media pour s’exprimer et véhiculer ses idées nauséabondes. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls, puisque AIDES a également choisi de ne pas solliciter Marine Le Pen dans le cadre de sa campagne d’interpellation des candidats au sujet de la lutte contre le sida.

Le raisonnement est simple : comment une association de lutte contre les discriminations pourrait-elle considérer comme un interlocuteur crédible un parti qui fonde son orientation politique sur la discrimination ? En revanche, nous ne refusons pas de nous confronter avec elle ou ses représentants dans le cadre d’émissions ou de débats, car nous devons déconstruire son discours. Pour nous, le FN n’est pas un parti comme les autres, ce n’est pas un parti républicain et ses thèses doivent être inlassablement dénoncées.

Peut-on parler d’une offensive de charme du Front national à destination des électeurs LGBT ?

David Souvestre : Marine Le Pen tient un discours ambigu pour draguer l’électorat gay et féminin. Par exemple, elle affirme qu’elle ne reviendra pas sur le Pacs. Sauf qu’en fait, de son propre aveu, ce n’est nullement pour offrir une reconnaissance légale aux couples de même sexe, mais parce que les Pacs sont conclus à 96% par des hétérosexuels ! Là où elle se fait particulièrement dangereuse, c’est lorsqu’elle prétend défendre les homos ou les femmes vivant dans les banlieues. Elle ne cherche en fait qu’à stigmatiser une religion et une population. Or, les agressions homophobes n’ont pas lieu que dans les quartiers périphériques mais également en plein centre-ville.

Lorsque nous avions organisé un kiss-in devant la primatiale Saint-Jean en mai 2010, c’étaient bien des intégristes chrétiens, et non musulmans, que nous avons trouvé face à nous ; ce sont eux également qui organisent des contre-rassemblements lors des Marches des Fiertés, à Lyon ou à Tours par exemple. Et les pays musulmans n’ont pas l’apanage de l’homophobie : on l’a vu par exemple récemment encore avec le vote d’une loi interdisant de parler d’homosexualité par le parlement de Saint-Pétersbourg, en Russie, donc dans un pays orthodoxe. Il appartient aux associations LGBT de dénoncer ces thèses, notamment auprès des 19% de gays et de lesbiennes qui, dit-on, ont l’intention de voter pour Marine Le Pen.

Quels arguments leur opposez-vous ?

David Souvestre : Nous rappelons qu’elle est opposée à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels. Nous attirons également l’attention sur sa haine à l’égard des associations LGBT ou de défense des droits humains : la LICRA, SOS Racisme, le Planning familial… Or, dans les sociétés démocratiques, les organisations non-gouvernementales jouent le rôle de contre-pouvoir ; l’Histoire nous montre que vouloir les supprimer peut marquer le début de dérives autoritaires très graves.

Nous voulons réaffirmer également notre solidarité avec le mouvement féministe, qui est historiquement très lié au nôtre. Le FN ne demande plus l’abrogation de la loi Veil de 1975, mais le dé-remboursement des interruptions volontaires de grossesse, ce qui revient au même. Il prétend également que l’éducation à la sexualité est une alternative préférable à l’avortement ; pourquoi, alors, tous les conseillers régionaux frontistes s’opposent-ils au pass contraception promu par certaines régions dans les lycées ? Il défend également une vision très naturaliste des femmes et veut les cantonner dans leurs foyers pour élever les enfants. Enfin, il entend le «droit à l’indifférence» des homos comme un retour au placard : ceux-ci devraient arrêter de revendiquer l’égalité des droits, ne pas se montrer dans la rue, etc.

 

 

Un “meeting pour l’Égalité” aux Folies-Bergères

Samedi 31 mars, l’Inter-LGBT, la Fédération LGBT et la Coordination Inter-Pride France (CIF), les trois principales fédérations associatives LGBT françaises, organisaient aux Folies-Bergères, à Paris, un “meeting pour l’Égalité” où les aspirants à l’Élysée étaient conviés à s’exprimer autour de revendications visant à faire progresser les droits des personnes LGBT, regroupées en huit thématiques : emploi et travail, santé LGBT, droits des trans, international, discrimination et violence, éducation, couples et familles. Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche) et Éva Joly (Europe-Écologie-Les-Verts) avaient répondu présents, tandis que François Hollande (Parti Socialiste) et François Bayrou (MoDem) étaient représentés respectivement par Najat Vallaud-Belkacem et Fadila Mehal. Marine Le Pen n’avait pas été invitée. Quant à Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière), Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste), Nicolas Sarkozy (Union pour un Mouvement Populaire), Nicolas Dupont-Aignant (Debout la République) et Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès), ils n’ont pas répondu à l’invitation des associations LGBT.

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.