
“L’Enfant et les sortilèges”, la fontaine de jouvence de Ravel
Ni réellement un opéra, ni vraiment un conte, L’Enfant et les sortilèges de Maurice Ravel reste un OVNI musical jouissif et désarmant.
Maurice Ravel et Colette, sa complice de toujours, ont tricoté ensemble L’Enfant et les sortilèges, une fantaisie lyrique aussi drôle que décalée. L’Opéra de Lyon en offre une version ébouriffée, dans une mise en scène joyeuse et rythmée du Polonais Grzegorz Jarzyna.
L’intrigue est à dormir debout, comme il se doit : un jeune garçon refuse de faire ses devoirs, sa mère le punit, il doit rester dans sa chambre. De rage et de colère, l’enfant casse tout, une tasse, une théière ; il martyrise l’écureuil dans sa cage et le chat qui passe par là, déchire un livre, jusqu’à ce que… toutes ses victimes viennent lui faire la peau de manière très étrange et très amusante. L’histoire se termine bien, pas d’inquiétude. Ce n’est pas tant l’intrigue qui ravit que la musique de Ravel mêlée au texte décalé de Colette. Une série de petits tableaux s’enchaînent, parfois drôles, parfois mélancoliques, toujours féériques.
Musicalement, on est aux anges. Là, un menuet ridicule fait danser deux fauteuils, une libellule chante sur un rythme de valse lente, une théière s’élance sur un ragtime endiablé. Sa rencontre avec une tasse chinoise offre un moment d’étonnement ravissant, une scène burlesque dans un anglais irréel et un chinois inventé. Les deux dansent sur un jazz décalé doublé d’une musique asiatique à la gamme pentatonique hilarante. Que dire encore de ce duo d’amour composé d’un chat noir et d’une chatte blanche, ou de ce vieillard fou qui fait surgir des morceaux de problèmes et de faux calculs ? «Deux robinets coulent dans un réservoir, deux trains omnibus quittent une gare à vingt minutes d’intervalle, valle, valle, valle… Quatre et quat’ dix-huit, onze et six vingt cinq…». Ravel a cinquante ans lorsqu’il compose cette fable ; c’est la vision d’un homme mûr sur l’enfance et toutes ses extravagances.
Photos © Stofleth
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