Prostitution : Lyon n’applique pas la loi pour la pénalisation des clients

L’abolition de la prostitution, une fausse solution ?

La volonté de la nouvelle ministre des Droits des femmes de faire «disparaître» la prostitution divise le monde associatif et féministe.

Lors de la campagne présidentielle, Najat Vallaud-Belkacem avait été très claire (notamment dans une interview donnée à Hétéroclite en avril) : «sur la question de la prostitution, le PS est dans une logique abolitionniste car il considère qu’il y a bien plus de personnes exploitées […] que de personnes qui l’ont choisie». C’est donc en toute logique que la porte-parole du gouvernement et ministre des Droits des femmes a déclaré vouloir voir «disparaître» ce qui est souvent présenté comme «le plus vieux métier du monde».

Entre l’impératif de lutter contre l’exploitation sexuelle qui vise principalement les femmes et l’exigence de respecter la liberté de celles (et ceux) qui louent leurs corps de leur plein gré, le dilemme n’est pas que moral ou philosophique. C’est aussi une question de santé publique : pour une partie des associations qui travaillent avec les prostituées, le projet de pénaliser les clients ne ferait que rejeter un peu plus les travailleuses du sexe dans la clandestinité, les exposant ainsi davantage à la violence, aux prestations sexuelles non-désirées et aux relations non-protégées. L’association de lutte contre le VIH Act Up-Paris estime ainsi que, par ses positions, «Najat Vallaud-Belkacem fait le choix du sida et de la précarité».

Les lois contre le proxénétisme inadaptées

Un argument que rejette Daniel Mellier, responsable pour Lyon du Mouvement du Nid, une association abolitionniste. À ses yeux, «la prostitution est une violence terrible qui met en cause la santé des personnes bien plus que la parole de la ministre. L’abolition est donc le moyen le plus sûr de protéger la santé des femmes victimes de ce système. Par ailleurs, la pénalisation des clients doit s’accompagner de mesures indispensables de prévention auprès des jeunes, de sensibilisation des clients et d’accompagnement psychologique, social et médical des femmes pour les aider à se relever».

Mais pour Antoine Baudry, de l’association Cabiria (qui se présente comme une «action de santé communautaire avec les personnes prostituées») la pénalisation des clients n’est pas la solution et l’argument de la lutte contre l’exploitation sexuelle ne tient pas : «nous demandons la fin des lois contre le proxénétisme, qui empêchent la solidarité entre les prostituées, et l’intégration de ces dernières dans le droit commun, qui est assez complet pour les protéger du vol, du viol, des agressions, du travail forcé ou des extorsions de fonds». L’exemple venu de l’étranger permettra peut-être de trancher ce débat : en Norvège, où la prostitution est pénalisée depuis 2009, un rapport publié deux jours seulement avant les déclarations de la ministre souligne une détérioration de la situation des travailleuses du sexe.

 

Photo : une prostituée à Tijuana (Mexique) en 2009 © Tomas Castelazo

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