Édito de septembre 2012

«Mais pourquoi vous faîtes un magazine spécialement pour les homosexuels ? Ils ne peuvent pas lire les mêmes journaux que les autres, les homosexuels ?»
(Réflexion entendue cet été)

À quoi sert une presse homosexuelle ? Notons d’entrée de jeu que personne ne s’interroge jamais sur l’utilité de la presse sportive, culturelle ou de loisirs. Personne ne remet en cause l’utilité de magazines aussi essentiels et estimables que L’Auto Journal, Maison & Travaux ou encore Sanglier Passion (si, si, on vous jure que ça existe), qui tous visent pourtant un lectorat très ciblé et pour tout dire assez minoritaire. En revanche, si vous prétendez vous intéresser à des histoires de pédés, de trans et de gouines, l’accusation de communautarisme ne tardera pas à pointer le bout de son vilain nez. Précisons ensuite qu’en ce qui nous concerne, Hétéroclite n’est pas un magazine fait «spécialement pour les homosexuels». Au contraire, et le titre même de notre journal le dit bien, nous avons toujours eu à cœur d’intéresser aux problématiques de genre et d’homosexualité le lectorat le plus large possible : des personnes LGBT bien sûr, mais aussi des hétéros friendly qui jugent que ces questions valent la peine que tout le monde se penche dessus. Car si la presse homosexuelle ne devait avoir qu’une seule raison d’être, ce serait sans doute d’apporter aux lecteurs une expertise sur ces thématiques qui manque, de toute évidence, aux media généralistes. On se souvient de la une mensongère de Libération, en février dernier, qui laissait entendre que Nicolas Sarkozy (alors en campagne pour sa réélection), était sur le point de se rallier au mariage pour tous. On n’insistera pas, d’ailleurs, sur l’obstination de ce quotidien (et, hélas, de beaucoup d’autres) à parler de «mariage gay» ou de «mariage homosexuel», là où il ne s’agit pas de créer un «second mariage» spécifique aux gays et aux lesbiennes, mais bien de leur ouvrir la possibilité de rejoindre l’institution déjà existante qu’est le «mariage tout court». Toujours dans le champ de la sémantique, on ne peut que déplorer les articles parus un peu partout en kiosques ou sur le Net au sujet de «la Gay Pride», alors que cela fait à peu près quinze ans que les associations homosexuelles ont rebaptisé ces rassemblements «Marches des Fiertés LGBT». Des Marches qui, apprenons-le à nos confrères de la presse nationale qui semblent l’ignorer (ou n’en informent jamais leurs lecteurs), n’ont pas lieu qu’à Paris mais dans près d’une vingtaine de villes en France. Et lorsque lesdits confrères décident de donner la parole aux premiers intéressés, l’association interrogée est presque systématiquement la plus consensuelle, la plus médiatique mais aussi la plus absente du terrain, ou bien encore la coquille vide qui ne représente personne d’autre que son président-fondateur-trésorier-et-unique-membre-actif. Pour toutes ces raisons, et en dépit des difficultés qui s’accumulent sur l’ensemble du secteur de la presse, les journaux homosexuels ont toute leur place dans le paysage médiatique et doivent continuer à vivre. Non pas à la place, mais en complément des média généralistes.

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