La parade: cette vieille haine qui bouge

Il faudra voir La Parade, le mois prochain (le film sort le 16 janvier). Non pas parce que cette comédie serait un chef-d’œuvre mais parce qu’elle nous dit (entre autres) d’où nous venons et où nous sommes. Et parce que ce n’est jamais anodin de se confronter au passé. La Parade parle pourtant d’aujourd’hui et d’ailleurs, puisque son histoire se déroule en Serbie. Et pourtant, derrière la farce inventée par le réalisateur pour raconter les difficultés à organiser une Gay Pride à Belgrade, ce sont bien nos propres difficultés à faire advenir le mariage pour tous qui apparaissent, tant les fachos au front de bœuf qui entreprennent de casser du pédé là-bas ne sont rien d’autre que les frères frustres des intégristes de Civitas qui organisent ici des manifs dont l’homophobie ne se masque même plus. Ce qui est à l’œuvre, à l’écran et devant nos yeux, au fil des interminables semaines que le gouvernement a choisi de laisser filer sur cette question du mariage, c’est bien la résurgence de cette même vieille haine qui n’en finit pas de bouger. L’étonnant, c’est que cela nous étonne. L’étonnant, c’est qu’on ait oublié, tous, collectivement et individuellement, que cela ne pourrait que se passer ainsi, dans l’affrontement et la douleur, car nos droits, notre reconnaissance, jamais, nulle part, ne vont de soi ! L’histoire, ancienne (lire le formidable essai Le Dossier secret de l’affaire Dreyfus, qui nous révèle que l’homophobie sociétale fut un des ressorts cachés de l’accusation contre le capitaine) et récente (les débats sur le Pacs), nous le dit et nous le répète. Mais nous avons oublié que l’homosexualité apparaît toujours comme une menace aux yeux des tenants de la famille traditionnelle et de l’ordre établi — et des homosexuels en font partie, ont tellement intégré ces préceptes qu’ils s’en gargarisent, tel Philippe Ariño dans son accablant manifeste anti-mariage (anti-gays en fait) L’Homosexualité en vérité. Nous avons oublié que l’homosexualité est politique et révolutionnaire. Toujours. S’en re-souvenir est une bonne chose.

“La Parade” de Srdan Dragojevic, sortie le 16 janvier
“Le Dossier secret de l’affaire Dreyfus” de Pierre Gervais, Pauline Peretz et Pierre Stutin (éditions Alma)
“L’Homosexualité en vérité” de Philippe Ariño (Frédéric Aimard éditeur)

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