Le coup de gueule salutaire de Didier Lestrade

Fondateur d’Act Up-Paris puis de Têtu, Didier Lestrade tient désormais un blog sur lequel il dénonce l’affadissement du militantisme homo.

Il faut bien, quelquefois, faire son âge et se dire que c’est un avantage. Pas forcément pour ce qui est de la sexualité – encore que ce ne soit pas vraiment un inconvénient pour baiser que d’entrer dans la seconde moitié de la quarantaine… – mais en tout cas pour tenter de mieux appréhender ce qui nous arrive : ce déferlement (qui nous a pris par surprise) de manifs, happenings, et déclarations à l’homophobie même pas assumée et pourtant évidente. Ce retour d’une ultra-droite qui se sert du mariage homo comme d’un cheval de Troie pour défier la République. Et notre incapacité collective à répliquer, à reprendre la main dans un débat qu’on croyait gagné si facilement, si naturellement, qu’on y avait à peine réfléchi, à peine ébauché des arguments ou des modes d’action. Or, le plus triste, c’est que ceux qui nous combattent – non pas tant parce que nous voulons pouvoir nous marier que pour ce que nous sommes – réutilisent, avec les techniques de communication d’aujourd’hui, les armes forgées hier par Act Up pour mobiliser les gays dans la lutte contre le sida. Didier Lestrade, qui fonda jadis Têtu et Act Up, le souligne à raison dans I’m so angry I could die, un de ces inimitables textes qui composent désormais son blog, entre colère, frustration et mauvaise foi et avec pourtant une sacrée dose de lucidité due, certainement, à sa propre histoire militante qui se cherche des héritiers.

Didier Lestrade

Les vertus de l’âge

On peut ne pas être d’accord avec les conclusions de Lestrade, on peut s’agacer du côté donneur de leçons sempiternel du personnage. Mais force est de constater que ce héraut du combat pédé des trois dernières décennies (VIH, pacs, visibilité…), en pointant l’affadissement du militantisme homo ces dernières années, l’embourgeoisement d’un mouvement dont le seul horizon serait la normalisation, rappelle à quel point notre histoire en marche est fragile, à quel point nos droits sont sans cesse à reconquérir, et que baisser, même un instant, la garde, c’est offrir à nos ennemis l’opportunité de reprendre la main. Peut-être fallait-il avoir notre âge, notre expérience militante, à Lestrade ou à moi (je suis un peu plus jeune quand même…), pour le pressentir. Désormais, nul, jeune ou moins jeune, ne peut plus l’ignorer.

 

Photo de Une © DR
Photo 2 © Didier Persohn

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