«On pourrait tolérer plus de bruit»

Jean-Luc Vincent, cogérant du Forum Bar, est également président de GoToLyon, l’association des commerçants gays, lesbiens et friendly de Lyon.

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Comment se porte la nuit gay et lesbienne à Lyon ?

Je pense que son principal point fort, c’est le nombre d’établissements et l’assez grande diversité qu’ils proposent, qui constituent un atout pour attirer les touristes français ou étrangers dans notre ville – c’est d’ailleurs tout l’objet de GoToLyon. Une autre spécificité de Lyon, c’est que notre clientèle est avant tout composée d’habitués, là où celle des établissements parisiens est souvent une clientèle de passage, pour des raisons touristiques ou professionnelles. Cela nous pousse à être plus attentifs à nos clients. Mais les Lyonnais ont cette particularité de se plaindre sans arrêt de Lyon, de la Fête des Lumières, de Nuits Sonores… On entend toujours que c’était mieux avant ! Cela dit, il ne faut pas se leurrer : je ne suis ni sociologue, ni économiste, mais il est incontestable que la crise touche aussi les homos, ce qui est assez nouveau parce que lors des précédentes périodes de déprime économique, ils étaient parvenus à passer plus ou moins entre les gouttes. De fait, la consommation gay a changé. On ne peut pas nier que les homos sortaient plus avant. Aujourd’hui, certains de mes clients me disent qu’ils ne font plus rien après le quinze du mois parce qu’ils sont obligés de faire attention à leur budget. Mais c’est aussi notre responsabilité de commerçants de savoir s’adapter à ce nouveau contexte !

Mais la vie nocturne gay et lesbienne à Lyon, en dehors du week-end, est souvent très, très calme…

Oui, c’est vrai que c’est assez troublant pour la deuxième ville de France. Même un vendredi ou un samedi soir à 20h, on peut traverser à pied la rue de Brest ou la rue Édouard Herriot sans se soucier de savoir si une voiture arrive en face ! Est-ce que c’est spécifique à Lyon ou est-ce partout pareil ? Je ne sais pas. Mais je me pose quand même des questions, par exemple au sujet de la campagne de la Ville de Lyon intitulée «Montez l’ambiance, baissez le son». On est plusieurs collègues, gérants d’établissements gays ou pas, à se demander ce que ça peut bien vouloir dire ! Il n’est évidemment pas question de déranger tous les voisins mais on est quand même en plein cœur de la Presqu’île et on pourrait peut-être tolérer qu’il y ait un peu plus de bruit, au moins le week-end. Les gens voudraient les avantages du centre sans les inconvénients : l’autre jour, une jeune femme d’une trentaine d’années est venue me voir parce qu’elle envisageait d’emménager dans le quartier et elle voulait savoir à quelle heure on fermait, si on organisait souvent des soirées, etc. On ne peut pas habiter en plein cœur d’une grande ville et s’attendre à n’être dérangé la nuit que par le piaillement des petits oiseaux !

La crise et les réglementations antibruits sont-ils les seuls facteurs explicatifs ?

J’ai bien une autre explication, mais qui n’est qu’une théorie… Pendant des mois, nous, les gays et les lesbiennes, avons manifesté pour le droit de nous marier et d’adopter des enfants, autrement dit pour plus de responsabilités. Lorsqu’on a un(e) conjoint(e) et des gosses, on ne peut plus se dire «après moi, le déluge !», faire la bringue toutes les nuits jusqu’à 5h du matin et se nourrir de patates durant les quinze derniers jours du mois. On a gagné de nouveaux droits mais aussi de nouveaux devoirs qui nous obligent à faire un peu plus attention, surtout dans ce contexte économique tendu.

On a beaucoup dit que les sites et applications de rencontres géolocalisés allaient entraîner la mort des lieux de sociabilité gay. Est-ce fondé ?

Cela joue, on ne peut pas dire le contraire : les mecs se rencontrent davantage désormais sur Grindr ou sur Internet que dans les bars. Mais les échanges virtuels n’ont pas totalement tués les échanges réels. Je le vois bien dans mon bar, où j’assiste parfois à de belles rencontres.

 

 

La hache de guerre enterrée

Créée en 2010, l’association GoToLyon fédère les établissements gays, lesbiens et friendly de Lyon dans le but d’augmenter l’attrait de la ville auprès des touristes gays, français ou étrangers. Elle compte aujourd’hui 38 membres, soit la quasi-totalité des commerces LGBT lyonnais, et entretient des contacts réguliers avec l’Office du Tourisme du Grand Lyon. Si les relations entre les commerçants lyonnais et les associations LGBT n’ont pas toujours été simples, la création de GoToLyon, en présentant aux secondes un interlocuteur unique au sein du milieu commercial, a permis d’apaiser les tensions (qui avaient culminé à l’occasion de la Marche des Fiertés de 2009) : cette année, un partenariat a été conclu entre la Lesbian & Gay Pride et GoToLyon afin que cette dernière participe à la Marche des Fiertés et que les deux structures travaillent en bonne intelligence.

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