“Le militantisme s’exprime simplement autrement”

Bernard Gouget fait partie du conseil d’administration du Forum gay et lesbien de Lyon.

Bernard Gouget, membre du conseil d'administration du Forum gay et lesbien de Lyon

Quel est le rôle des associations LGBT en 2013 ?
Le même qu’il y a dix ou vingt ans : un rôle de convivialité, d’écoute, d’accueil… Les associations sont des espaces privilégiés, communautaires, qui permettent, entre autres, de rompre la solitude.

On sent néanmoins une baisse de leur fréquentation…
Oui, une baisse énorme dans toutes les associations. Le Forum gay et lesbien, à la rigueur, fait partie de celles qui s’en sortent le moins mal, grâce à nos moments de convivialité. On arrive encore à réunir jusqu’à quarante personnes lors des repas ou des soirées dansantes. Mais aujourd’hui, quand on tient une permanence, on voit cinq ou six personnes, alors qu’il y a dix ans, on en recevait vingt tous les soirs. Les patrons de bars, d’ailleurs, disent la même chose : tous les lieux communautaires souffrent de l’évolution des habitudes de consommation et de rencontre des personnes LGBT. Le cadre associatif tel qu’il existait il y a dix ans n’a plus autant de raison d’être qu’hier, notamment à cause d’Internet et des réseaux sociaux.

Est-ce uniquement la faute d’Internet ?
Je ne formulerais pas les choses ainsi parce que je ne vois pas du tout Internet comme quelque chose de négatif mais plutôt comme une évolution. Je crois que les gays et les lesbiennes ont toujours autant besoin de se retrouver d’une façon “communautaire“. Ce qui a changé, c’est l’outil pour cela. Avant, ils se rencontraient dans le milieu associatif ou commercial ; aujourd’hui, ils le font sur la Toile et ses réseaux. Le besoin est resté le même, j’en suis convaincu ; seule la réponse a changé.  Une autre explication à cette baisse de fréquentation des associations est peut-être que les jeunes homos ont l’impression de subir moins de discriminations qu’auparavant, qu’ils peuvent s’assumer plus facilement et éprouvent donc moins la nécessité de se retrouver dans des milieux communautaires. Tant mieux !

Est-ce à dire que les associations sont vouées à disparaître ?
Non, il faut qu’elles arrivent à passer cette crise très difficile, qui se fait ressentir durement sur la motivation de nos militants. Je suis convaincu que, dans quelques années, les gens reviendront vers les associations pour le contact humain qu’elles rendent possible. Ils feront leur propre panachage entre Internet et le milieu. Si les associations meurent demain, elles renaîtront après-demain ; il y aura des personnes dotées de l’énergie pour les recréer. Je suis convaincu que ce qui se passe en ce moment ne va pas durer et qu’on reviendra à des systèmes plus traditionnels de rencontre. peut-être parce que je n’aime pas trop la façon dont les gens communiquent sur Internet : je crois qu’on s’en lasse très rapidement…

Y a-t-il eu une démobilisation des militants associatifs après l’obtention du mariage et de l’adoption pour tous cette année ?
Non, car cette érosion ne date pas d’hier mais d’au moins trois ou quatre ans. À l’inverse, on aurait pu penser que ces longs mois de débat nous attireraient davantage de militants. Cela n’a pas été le cas. Durant les manifs pro-mariage pour tous, on a croisé beaucoup de jeunes qu’on n’avait jamais vus avant et qu’on n’a plus jamais revus après. Idem lors de la Marche des Fiertés LGBT. Les nouvelles générations se mobilisent à un instant T, parce qu’elles ont vu passer l’info sur Facebook et se sont dits : «il faut qu’on y aille». Mais elles sont complètement déconnectées de l’organisation de tels rassemblements.

N’est-ce pas la preuve d’un déclin du militantisme ?
Je ne pense pas. Le militantisme n’a pas disparu, il s’exprime simplement autrement, par exemple sur les réseaux sociaux. Mais je suis convaincu qu’il est toujours nécessaire. À nous de le faire vivre différemment.

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