Biennale : nom féminin
Des artistes exposées à la Biennale d’Art Contemporain de Lyon explorent les thématiques liées au genre et aux rapports entre hommes et femmes.
Impossible d’y échapper : depuis plusieurs semaines, le photographe américain Roe Ethridge exhibe à tous les coins de rue de Lyon sa pauvre face tuméfiée, accompagnée d’un intitulé pour le moins énigmatique («entre-temps… brusquement, et ensuite»). Renseignement pris, ce vilain cocard n’était que le résultat d’une chute dans les escaliers un lendemain de réveillon sans doute un peu trop alcoolisé : nous voilà rassurés. Mais on pense forcément, en voyant ces autoportraits, à ceux pris par la photographe Nan Goldin après avoir été battue par son compagnon. En inversant les rôles traditionnels, l’artiste nous pousse à aborder la réalité sous un autre angle pour paradoxalement mieux la saisir, à imaginer un univers parallèle où le monde serait dominé par les femmes, où les hommes seraient les victimes du matriarcat et où Bertrand Cantat serait mort sous les coups de Marie Trintignant… Ces questions enchevêtrées du genre, de la masculinité, de la féminité, des rapports entre hommes et femmes et donc du féminisme, on les retrouve bien sûr dans l’exposition internationale de la douzième Biennale d’Art Contemporain de Lyon. Par exemple dans les deux performances (présentées à la Sucrière) de l’iconique Yoko Ono, dont l’intérêt pour ces thématiques est bien connu depuis les années 60. Ou encore dans l’installation vidéo (au Musée d’Art Contemporain) de Lili Reynaud-Dewar, qui recrée une partie de son intérieur domestique, la nécessaire «chambre à soi» dont parle Virginia Woolf. Pour autant, on aurait tort de négliger le programme “off“ de cette Biennale, Résonance. À l’URDLA, centre culturel villeurbannais entièrement dédié à l’art de l’estampe et de la gravure, la plasticienne Myriam Mechita (née en 1974) présente ainsi cinq grands dessins (1,5m x 1,9m) au crayon de couleur noir inspirés par les portraits photographiques de… Virginia Woolf, toujours elle. L’un d’eux représente ainsi un buste de femme vu de dos, les cheveux tressés, tel que l’on a coutume de se représenter cette grande figure de la littérature britannique moderne mais aussi de la pensée féministe. Sur un autre, une jeune femme aux yeux vides semble avaler la voie lactée comme une déesse-mère primitive, dans un geste mi-érotique mi-horrifique. L’ensemble est accompagné d’une série de petites lithographies réunies dans un livre-objet autour de deux textes (inédits en français) de Woolf. L’auteure de Mrs Dalloway y explore la question du rapport du sujet au monde et présente l’art (ici, l’écriture) comme le moyen d’accéder à la beauté du réel : un propos qui “résonne“ en effet on ne peut mieux avec celui de cette Biennale.
Biennale d’Art Contemporain de Lyon, jusqu’au 5 janvier / www.biennaledelyon.com
Image : My name is unfear de Myriam Mechita (© Galerie Eva Hober, Paris)
À voir :
The Blood & flesh of life de Myriam Mechita, jusqu’au 15 novembre à l’URDLA, 207 rue Francis de Pressensé-Villeurbanne / 04.72.65.33.34 / www.urdla.com
Cut piece & My mummy was beautiful de Yoko Ono, jusqu’au 5 janvier à la Sucrière, 49-50 quai Rambaud- Lyon 2 / 04.27.82.69.40 / www.lasucriere-lyon.com
I’m intact and I don’t care de Lili Reynaud-Dewar, jusqu’au 5 janvier au Musée d’Art Contemporain, 81 quai Charles de Gaulle-Lyon 6 / 04.72.69.17.17 / www.mac-lyon.com
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