“La Vie d’Adèle” : ce n’est pas un film de lesbiennes…

Avec La Vie d’Adèle, palme d’Or du dernier festival de Cannes, Abdellatif Kechiche réalise un grand film sans réellement traiter du sujet de l’homosexualité féminine.

Il est terrible, pour parler d’un film, de devoir d’abord évacuer les malentendus qui l’entourent. Alors, disons d’emblée qu’il faut voir La Vie d’Adèle en faisant fi des polémiques sur les méthodes de travail brutales du réalisateur ou sur les déclarations bien peu lesbophiles d’une des interprètes : ce n’est pas le sujet. Et puisqu’on en est là, précisons que le sujet n’est pas non plus le lesbianisme ou la défense de l’homosexualité. Alors, La Vie d’Adèle chapitres 1 & 2, oui ? Non ? Peut-être ? Un peu les trois, selon la façon dont on regarde le film d’Abdellatif Kechiche.

Oui, si l’on s’en tient à un point de vue cinématographique, car il y a là une précision d’écriture, une puissance narrative, une justesse émotionnelle, une énergie, une finesse, une intensité des sentiments, une direction d’actrices absolument époustouflants, une mise en scène comme on n’en voit plus nulle part aujourd’hui, dans la lignée naturaliste et poétique d’un Pialat par exemple, pour raconter cette passion d’une adolescente pour une autre fille un peu plus âgée sous ses cheveux bleus.

la vie d’adèle Léa Seydoux Adèle Exarchopoulos Abdellatif Kechiche

Les limites de l’indifférencialisme

Non, si l’on cherche un film militant LGBT, un manifeste sur l’amour lesbien comme avait pu l’être à sa manière tendre la BD de Julie Maroh qui a inspiré le film (Le Bleu est une couleur chaude) car La Vie d’Adèle est tout sauf ça. Et pour cause, puisque ce n’est ni le combat ni l’histoire propre de Kechiche, dont toute l’œuvre nous dit qu’il cherche d’abord et avant tout à défendre l’indifférencialisme.

Et peut-être, enfin, parce que cet idéal de normalisation de nos amours, cette volonté de leur donner une valeur universelle («ce n’est pas une histoire d’amour lesbienne…»), ce désir de les mettre à égalité avec toutes les formes d’amour, s’ils sont la marque d’une certaine modernité artistique par quoi l’homosexualité n’est plus un problème (et même plus vraiment un sujet), sont aussi porteurs de leurs propres limites. N’y aurait-il donc, une fois actées les grandes déclarations de principes, plus aucune spécificité aux histoires LGBT ? Parce qu’elles sont égales, nos amours devraient-elles être semblables ?

C’est bien cela, cette connaissance intime du sujet, qui manque par essence au très beau film d’Abdellatif Kechiche et qui saute aux yeux dans les scènes d’amour entre filles, scènes très explicites certes mais tellement saphiques et si peu lesbiennes… C’est toute la différence entre ce film et celui d’Alain Guiraudie, cet Inconnu du lac où la sexualité gay s’affranchissait sans complexe des normes. La Vie d’Adèle n’est donc clairement pas un film lesbien : ce n’en est pas moins un formidable film sur une violente histoire d’amour entre filles.

 

La Vie d’Adèle chapitres 1 & 2, d’Abdellatif Kechiche, avec Léa Seydoux, Adèle Exarchopoulos… Sortie le 9 octobre

 

 

 

Rentrée en bleu

L’association Face à Face, qui organise depuis 2005 le Festival international du film gay et lesbien de Saint-Étienne, a choisi La Vie d’Adèle chapitres 1 & 2 pour accompagner sa traditionnelle soirée de rentrée, qui sera l’occasion pour ses adhérents de présenter l’avant-programme de la neuvième édition du festival (du 28 novembre au 1er décembre au cinéma Le France, 8 rue de la Valse- Saint-Étienne). Quant aux Grenoblois, ils pourront profiter d’une avant-première vendredi 4 octobre grâce à l’association Vues d’en Face.

La Vie d’Adèle chapitres 1 & 2, vendredi 4 octobre à 20h15 au cinéma Le Méliès, 28 allée Henri Frenay- Grenoble / 04.76.47.99.31 / www.vuesdenface.com et mercredi 9 octobre à 20h au cinéma Le Gaumont, 2 rue Praire-Saint-Étienne 06.29.43.01.20 www.festivalfaceaface.fr

 

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