Vues d'en face Lesbiana-une-révolution-parallèle-de-Myriam-Fougère

14ème édition pour le festival Vues d’en face à Grenoble

Pour sa quatorzième édition, le festival Vues d’en Face reste fidèle à la mission qu’il s’est fixée : faire découvrir au public grenoblois des films inédits abordant les thématiques LGBT.

Résurrections

Parmi les inédits (nombreux et extrêmement variés) dont peut se targuer Vues d’en Face pour cette édition 2014, deux retiennent l’attention d’emblée. Ils ramènent en effet à la surface des noms que l’on croyait malheureusement disparus : Kathleen Turner et Marcel Gisler. The Perfect Family pour l’une, Rosie pour l’autre nous montrent que, chacun à sa manière et dans son registre, ils n’ont rien perdu de leur talent.

Si The Perfect Family d’Anne Renton souffre de défauts d’écriture et de mise en scène, il est toutefois sauvé par l’interprétation savoureuse de Kathleen Turner. Car si l’actrice a changé physiquement, bouffie par l’âge et les lourds traitements qu’elle doit subir depuis des années, elle reste une comédienne unique par son mélange de sens comique et de dureté. Elle est ici irrésistiblement camp en mère de famille revendiquant le statut de «femme catholique de l’année» mais confrontée aux aspects les moins conventionnels de ses enfants.

C’est aussi un portrait de femme (et de mère) que signe Marcel Gisler avec Rosie : celui d’une vieille dame aux portes de la mort et dont la fin annoncée provoque, par ricochets, des remous dans la vie de ses enfants et notamment dans celle de son fils, un écrivain qui ne lui a jamais parlé de son homosexualité. Les années n’ont en rien émoussé l’acuité du regard du cinéaste, cette façon assez impitoyable de révéler les failles de ses personnages. Même si Rosie ne manque pas d’humour, le film est surtout une réflexion lucide sur les non-dits familiaux et sur la manière dont la disparition annoncée de nos proches rebat les cartes du secret… Deux belles résurrections !

Hors fiction

Si les fictions sont les attraits les plus séduisants du festival, il serait dommage de passer à côté de la forte programmation documentaire de Vues d’en face. Deux films notamment méritent l’attention. Lesbiana : une révolution parallèle, film canadien de Myriam Fougères (photo de Une), retrace avec fougue le bouillonnement du militantisme lesbien radical dans les années 70-80. Ces archives et ces témoignages permettent de mesurer à quel point, pour les lesbiennes comme pour les gays, les aspirations politiques et globalisantes d’hier ont débouché sur une situation beaucoup plus individualiste et indifférencialiste. La séance à laquelle appartient Lesbiana permet d’autant mieux ce parallèle que le film est complété d’un autre documentaire de Tina Fichter, Je suis lesbienne, composé de portraits d’une vingtaine de femmes contemporaines pour qui la question de l’homosexualité semble avant tout une question privée…

L’autre excellent documentaire de cette sélection renvoie, lui, aux polémiques qui ont récemment saisi une partie de la classe politique : comme son titre l’indique, Fille ou garçon, mon sexe n’est pas mon genre, de Valérie Mitteaux, permet, grâce aux témoignages qu’il réunit, aux parcours qu’il décrit, aux réflexions qu’il porte, de voir à quel point la réalité est plus complexe, plus riche et plus diverse que ce que d’aucuns voudraient faire croire…

Révélation

Il ne faut jamais hésiter à aller voir du côté des courts métrages : c’est là, on le sait, que s’inventent des formes, que se révèlent des talents. Les deux programmes courts du festival en apportent la preuve puisque chacun d’eux offre l’occasion de découvrir le sens visuel hors du commun de l’Allemand Kai Stanicke, à travers le très beau et très bouleversant It’s consuming me ou via l’un des films les plus somptueux du moment, Cold Star, sept minutes dans une piscine où rien ne se passe comme on pourrait s’y attendre. C’est d’ailleurs la force de l’univers de Kai Stanicke que de toujours aller loin des sentiers battus, ne laissant quasiment aucune place ni aux dialogues ni à la psychologie pour raconter le désir qui saisit ses personnages, mais en privilégiant des bandes musicales exceptionnelles et une invention visuelle de chaque plan pour porter littéralement l’intrigue. À découvrir d’urgence.

 

Festival Vues d’en Face, du 11 au 19 avril au cinéma Le Club, 9 bis rue du Phalanstère-Grenoble / www.vuesdenface.com

 

Photo © Lesbiana : une révolution parallèle de Myriam Fougères

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