“Salamandre” de Gilles Sebhan, récit d’une vie fracassée

Dans son denier roman, Salamandre, Gilles Sebhan dépeint sans fard une sexualité sombre dans une langue à la fois crue et poétique.

Il y a du foutre et du sang, le désir et la mort, la montée au septième ciel et la descente dans les tréfonds de la rue Saint-Denis. Voilà Salamandre, roman de Gilles Sebhan qui se faufile dans les arrière-cours du plaisir à la suite de son personnage central, un enseignant surnommé ainsi, dont on apprend la mort dès les premières pages, dans une cabine sordide d’un sex-shop où il avait ses habitudes auprès de tapins venus de l’Est ou d’ailleurs, qui le frappaient pour son plaisir.

Réalisme cru et poésie des bas-fonds

Gilles Sebhan remonte le fil de l’existence fracassée de Salamandre, du Maroc à Paris, de l’amour fou au désespoir, de la douleur au plaisir (et vice-versa). Si le thème du nouveau roman de cet auteur prolifique qu’est Gilles Sebhan est très fort, son écriture l’est tout autant : directe et sans fioritures, ce qui ne veut pas dire sèche et sans âme, bien au contraire. Fidèle à son intérêt de tout temps pour le soufre et la sexualité, le romancier, qui a écrit des biographies de Jean Genet et de Tony Duvert, avance sans masques, parlant de bites et de jouissance sur un mode où le réalisme le plus cru tient la main d’une sorte de poésie des bas-fonds.

Sebhan capte le vertige qui saisit son héros face à la violence de ses désirs et nous le transmet par la seule puissance de son verbe. Mêlant journal intime de Salamandre et témoignages, ce livre intense a la beauté crépusculaire de certains enterrements, de certaines fins du monde. Car il n’y a pas que Salamandre que l’on enterre ici : c’est aussi toute une époque, tout un continent caché de la drague noire tué par la modernité que Gilles Sebhan ressuscite un instant dans un texte singulier et marquant.

Salamandre de Gilles Sebhan (éditions Le Dilettante)

Photo : Gilles Sebhan © Charles Guislain / Le Dilettante