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Dominique Boren : “L’APGL milite pour la dé-marchandisation de la GPA”

Interview de Dominique Boren, co-président de l’Association des Parents Gays et Lesbiens (APGL), qui milite pour la légalisation de la gestation pour autrui (GPA) en France.

L’APGL est très mobilisée sur la retranscription des actes de naissance d’enfants, nés à l’étranger de GPA légales, à l’état civil français. En quoi s’agit-il d’un point si important ?

Dominique Boren : Il s’agit d’une question d’urgence sociale et juridique. La retranscription à l’état civil français des actes des naissance produits à l’étranger est une nécessité absolue pour sécuriser les enfants. Cette question n’est pas liée à celle de la légalisation de la GPA. L’Espagne reconnaît par exemple les enfants issues de GPA à l’étranger sans pour autant la légaliser. La France a malheureusement été victime d’un abus de droit et de démagogie politique de la part de la Cour de Cassation qui, dans deux arrêts en septembre 2013, a gelé la situation en la matière. La circulaire Taubira du 25 janvier 2013 a pourtant réaffirmé ce principe de droit élémentaire : un enfant né de parents français peut prétendre à la nationalité française.

Contrairement à ce que laisse croire le flou entretenu sur cette circulaire, elle n’a pas été retirée. Elle recommande aux tribunaux de délivrer des certificats de nationalité française (CNF) aux enfants nés à l’étranger d’un père français et d’une mère porteuse. Il est donc possible de demander un CNF devant le juge mais les décisions varient selon les juridictions. En effet, la circulaire étant contestée devant le Conseil d’Etat, certaines instances délivrent les certificats, d’autres jouent la montre, d’autres encore opposent un refus aux demandeurs. Une fois l’enfant titulaire d’un CNF, il n’a pas automatiquement droit aux documents d’identité française. Une demande doit être adressée à la préfecture et là, on recense également de nombreuses résistances.

Cette position est aussi défendue par la commission présidée par Irène Théry, qui a produit le rapport Filiation, origines, parentalité.

Dominique Boren : Dans ce contexte de blocage, la position de la commission présidée par Irène Théry apparaît comme un signe important, d’autant plus qu’elle était composée schématiquement d’un tiers de personnes favorables à la GPA, un tiers de personnes qui y étaient opposées et un tiers sans avis tranché. Aujourd’hui en France, le droit de la famille est régi par un conservatisme puissant, qui défend un ordre social hétéronormé, véhiculé par une poignée de professeurs de droit, qui interdisent jusqu’à l’expression d’opinion divergentes.

L’APGL défend également clairement la légalisation de la GPA, sous certaines conditions. Quelles sont-elles ?

Dominique Boren : L’APGL est d’abord favorable à l’ouverture d’un débat, le plus large possible, permettant à chacun de témoigner à visage découvert. En effet, recourir à une GPA constitue en France un délit pénal. Dans le cadre de ce débat, nous proposons de doter la France d’une GPA qui serait la moins soumise possible aux aléas et aux diktats du marché. Une GPA encadrée, qui verrait une autorité indépendante, comme un juge, autoriser le recours à la GPA, la contrôler, s’assurer que les femmes sont indemnisées de leur grossesse et que les parents intentionnels sont effectivement les parents de l’enfant au terme du processus.

L’APGL milite pour la dé-marchandisation de la GPA, selon un modèle à l’anglaise, qui prévoit la GPA dans un cadre intra-familial et qui accepte à la marge des couples homos. La GPA a la plupart du temps une dimension monétaire qui ouvre en effet la porte à toutes les dérives. Pour s’en protéger, le plus sage est de réglementer.

Comment recevez-vous les arguments émanant de militants LGBT qui s’inquiètent d’une course à la norme d’homosexuel-le-s souhaitant se marier, faire famille en mimant les conventions hétérosexuelles ?

Dominique Boren :Je crois qu’ils font fausse route, car les modèles que l’on observe dans les familles homoparentales sont très éloignés des modèles hétéro-normés. Selon moi, l’homoparentalité conserve avec elle toute la puissance de subversion de nos sexualités ; de nouvelles dialectiques émancipatrices sont même à penser en associant homosexualité et famille. Les homosexuel-le-s ne se transforment pas en hétéros mais inventent des familles. Ils font par exemple exploser le modèle en prônant la coparentalité, en revendiquant la possibilité d’avoir plus de deux parents. En revanche, il est probable que les générations les plus jeunes fassent famille sans forcément se poser ces questions d’ordre politique et social.

 

Photo : les militants de l’APGL à la Marche des Fiertés LGBT de Paris le 30 juin 2007 © Homosexualités et Socialisme

 

 

Qu’est-ce que l’APGL ?

Créée en 1986, l’Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens (APGL) est l’une des principales associations homoparentales françaises. Elle s’adresse aux personnes homosexuelles ayant des enfants ou désirant en avoir et leur prodigue notamment des conseils pour défendre leurs droits. Elle réclame également, entre autres revendications, une réforme globale du droit de la famille. L’APGL regroupe dix-sept antennes régionales, dont une en Rhône-Alpes. Basée à Lyon, elle fédère entre 150 et 200 adhérents (dont une quinzaine de membres actifs) et dispose de relais (et de permanences) à Grenoble et Saint-Étienne.
www.apgl.fr

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