Franck Balandier et Duong Thu Huong explorent nos désirs divergents

Deux romans récemment parus de Franck Balandier et Duong Thu Huong racontent à quel point nos désirs divergents, qu’on le veuille ou non, font de nous ce que nous sommes et façonnent nos destins.

 

franck_balandier_silence_des_rails_éditions flammarion heteroclite juin 2014On ne pleure pas en lisant le roman de Franck Balandier, mais c’est parce que l’auteur ne le veut pas, parce que son écriture si courte, ses phrases si brèves, ses mots tellement jetés à notre figure, ne le permettent pas. On ne pleure pas, non, mais on est saisi d’un bout à l’autre de ce texte, bref et puissant. On y suit un jeune homme, Étienne, qui, en 1942, est déporté au Struthof en raison de son homosexualité pour devenir ce que l’histoire retiendra comme un Triangle rose et que ses bourreaux appellent plutôt un «cul rose». Il n’y a pas une ombre de pathos dans sa description du quotidien, des brimades, des rencontres, de la peur, de la faim, du froid, de la mort, des expériences «scientifiques» pratiquées dans le camp. Il n’y a que l’horreur glacée et c’est encore plus terrible. Cela s’appelle Le Silence des rails, cela aurait pu être le silence de ce Dieu qui ne répond jamais et aussi celui des hommes qui, après la Libération, ne voudront pendant si longtemps rien entendre de cette histoire qui est la nôtre et qui est aujourd’hui encore tellement tue.

Duong Thu Huong les collines d'eucalyptus éditions Sabine Wespieser heteroclite juin 2014On ne pleure pas non plus en arpentant Les Collines d’eucalyptus, de la romancière vietnamienne Duong Thu Huong. Et pourtant, là encore, on pourrait et là encore, l’écriture nous l’épargne. Elle n’a pourtant rien à voir, dans son lyrisme, dans sa poésie, dans sa douceur, avec la précédente. Son héros, Thanh, est au bagne, condamné à perpétuité pour meurtre et son homosexualité n’est pas pour rien, là non plus, dans ce qui l’a amené là. Duong Thu Huong, comme Balandier, décrit : la vie en prison, l’homosexualité au Vietnam dans les années 80, les paysages de son pays. À la sécheresse intense du second, elle oppose une ampleur foisonnante (d’histoires, de personnages, de thèmes) qui captive tout autant.

 

Ces deux livres si différents nous racontent pourtant la même chose : à quel point nos désirs divergents, qu’on le veuille ou non, font de nous ce que nous sommes et façonnent, pour le pire ou le meilleur, nos destins.

Le Silence des rails de Franck Balandier (éditions Flammarion)
Les Collines d’eucalyptus de Duong Thu Huong (éditions Sabine Wespieser)

Photo : la romancière vietnamienne Duong Thu Huong (© Jacques Leenhardt / Sabine Wespieser)

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