Édito de rentrée : vive la convergence des luttes !

Pourquoi il est important pour les mouvements LGBT de tenter de s’associer, chaque fois que c’est possible, à d’autres formes de luttes contre l’oppression.

 

«Quelle que soit votre opinion personnelle ou le malaise que peuvent vous inspirer l’homosexualité et les divers mouvements pour les droits des homosexuels et des femmes, il faut faire alliance avec eux de manière révolutionnaire»

(Huey Newton, cofondateur du Black Panther Party, août 1970)

 

luttes

Si vous lisez intégralement ce numéro de rentrée d’Hétéroclite, peut-être remarquerez-vous que plusieurs de ses articles sont parcourus par une même idée : celle d’un débordement du strict cadre des mouvements homosexuels et transgenres pour les associer à d’autres formes de résistance à un ordre sociopolitique injuste et inégalitaire. Ce peut être la lutte des Palestiniens contre la colonisation et la violation de leur souveraineté nationale par Israël. Ou celle des ouvriers pour leur dignité, leurs emplois, de meilleurs conditions de travail et des salaires plus élevés. Ou celle des femmes contre le patriarcat et la dépossession de leurs corps par les hommes. Ou celle des minorités de toute sorte, qui trouvent dans le concept d’«intersectionnalité» un outil théorique pour penser les différentes formes de domination qui les oppressent. Bien sûr, cette «convergence des luttes», puisqu’il faut bien employer cette expression, ne va jamais de soi. Aujourd’hui comme hier, elle continue de susciter de vives oppositions. On l’a vu encore récemment lorsque la Marche des Fiertés LGBT de Lyon a décidé d’intégrer un char de travailleurs et travailleuses du sexe à son cortège : les cris d’orfraie que nous avons entendus alors ne sont hélas pas prêts de s’éteindre. À chaque fois, ce sont les mêmes craintes qui s’expriment : peur de brouiller notre message, de dégrader notre image, de perdre en efficacité politique… Pourtant, toute l’histoire des luttes LGBT est celle d’une union – au départ tout sauf évidente – entre des communautés qui ont fini par juger que la lutte contre leurs ennemis communs était plus importante que leurs différences et leur méfiance réciproque. Folles et bears. Lipsticks et butches. Lesbiennes et gays. Homosexuel-le-s et trans. Séropos et séronegs. Toutes ces unions nous paraissent aujourd’hui naturelles. Mais le sigle qui les regroupe (LGBT) est d’apparition très récente. Et il est le résultat d’une construction historique et d’une volonté politique, sans cesse réaffirmée (et parfois, hélas, fluctuante), de se battre ensemble. Entre les luttes actuelles des mouvements LGBT et celles citées plus haut (mais aussi bien d’autres, telles que les luttes contre le racisme, les discriminations, les inégalités sociales, etc.), il semble y avoir un gouffre. Mais toutes ces forces contestataires ont une origine commune : la remise en cause d’une hiérarchie sociale injuste qui assigne des individus à un rôle inférieur (que celui-ci soit social, économique, politique, symbolique…) du simple fait de leur sexe, de leur genre, de leur naissance, de leur orientation sexuelle, de leur religion, de leur nationalité, de leur couleur de peau, de leur classe sociale… Tenter d’établir des passerelles, chaque fois qu’il est possible, entre ces luttes hétérogènes n’est pas chose aisée. Mais, à l’avenir, c’est la seule voie possible pour le succès des futures luttes LGBT. Sous peine de voir celles-ci se recroqueviller sur leur nombril, voire pire : se laisser instrumentaliser et devenir à leur tour des vecteurs d’oppression d’autres minorités.

Photo 1 : militants gays et lesbiens anglais en soutien aux mineurs en grève, 1985
Photo 2 : lesbiennes, bies et gays en solidarité avec les Palestinien-ne-s, manifestation à Paris, été 2014

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