La “Lettre ouverte…” de Guy Hocquenghem republiée

Les éditions Agone proposent de (re)découvrir la Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, pamphlet visionnaire de Guy Hocquenghem.

 

lettre ouverte a ceux qui sont passes du col Mao au Rotary de Guy Hocquenghem editions agone lyon heterocliteGuy Hocquenghem est hélas un peu oublié. Les livres de ce brillant intellectuel décédé du sida en 1988, figure du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) fondé en 1971, sont difficilement trouvables, ce qui est un des pires sorts qui puisse être fait à un auteur. Il existe cependant des exceptions, dont La Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary (1986) : les éditions indépendantes Agone, qui l’avait fait paraître de nouveau en 2003, préfacée par Serge Halimi (directeur de la rédaction du Monde diplomatique), la proposent maintenant en format de poche.

Le «col Mao» désigne l’effervescence politique du «gauchisme» de l’après-1968, à laquelle Guy Hocquenghem a participé. Le Rotary, c’est le symbole du conformisme, de l’établissement, du pouvoir. Dans ce pamphlet, l’ancien militant exerce ses talents de polémiste contre ses camarades de jeunesse qui, à la suite de l’élection de François Mitterrand en 1981, renient leurs convictions passées pour, au mieux, se ranger du côté de la gauche de gouvernement ou, au pire, devenir des apôtres du conservatisme et de la réaction.

De nombreux «renégats» sont épinglés – certains encore actifs aujourd’hui sur la scène politico-culturelle : Serge July, Bernard-Henri Lévy, André Glucksmann, Régis Debray, Alain Finkielkraut et bien d’autres encore. Le pamphlétaire peint une galerie de portraits acérée, violente, méchante parfois.

Mais la portée du livre est bien au-delà. C’est une remarquable analyse – et la toute première – de ce que le psychiatre Félix Guattari a nommé «les années d’hiver» : la révolution conservatrice des années 1980, le virage à droite des champs politiques, intellectuels, journalistiques. Citations à l’appui, Hocquenghem décrit avec une grande lucidité comment ceux qu’il attaque ont été les artisans de cette révolution conservatrice. Comment ils ont renié les utopies passées au nom de la «modernité», du «changement» et du «réel», érigés en valeurs suprêmes. Et comment ils se sont attachés à balayer une décennie de contestation, à réduire les «années 68» au folklore des barricades. À l’inverse, fidèle sans être naïf, Hocquenghem proposait «de rendre le printemps d’il y a dix-huit ans à son éternelle jeunesse». Il est heureux qu’Agone redonne à lire ces pages.

Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary de Guy Hocquenghem (éditions Agone)

Photo : Guy Hocquenghem (© Sophie Bassouls – Sygma)

1 commentaire

  • helene

    “Oubliée, mais par qui? Par ceux qui n’ayant rien senti ne peuvent se souvenir de rien”. Ces mots de Baudelaire à propos de la poétesse Marceline Desbordes Valmore nous mettent en garde contre l’emploi de ce terme : “oublié”. Hockenghem n’a pas été “oublié” il a été occulté. Parce qu’il a toujours été un trublion, parce que venant de l’extreme gauche il s’en est pris aux socio-démocrates et que ceux ci ne lui ont pas fait de cadeaux.
    Hockenghem oublié? Mais ses romans, ses films, ses pamphlets continuent à circuler…Et il a toujours des passionnés. Si vous comparez avec les minables petits politiciens que nous ont offert les LGBT vous comprendrez que sa présence gêne.

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