En 1928, les lesbiennes de Berlin avaient déjà leur guide

Quatre-vingt-six avant après sa première parution, les éditions GayKitschCamp publient Femmes lesbiennes de Berlin, un guide passionnant du milieu lesbien de la capitale allemande sous la République de Weimar.

 

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Celles et ceux qui ont vu le film Cabaret de Bob Fosse ou lu les romans de Christopher Isherwood le savent déjà : dans les années 20 du siècle dernier, bien avant San Francisco, Berlin acquit le statut de capitale de l’homosexualité en raison de ses nombreux bals travestis, boîtes et lieux de rencontres entre hommes… mais aussi entre femmes. Femmes lesbiennes de Berlin, écrit par Ruth Margarete Roellig en 1928 et interdit par les nazis dès leur arrivée au pouvoir, offre un vibrant témoignage de cette période faste. Préfacé par Magnus Hirschfeld (médecin allemand et précurseur des mouvements de libération homosexuelle), ce guide est un document précieux, tant il est vrai qu’on oublie parfois que des homosexuels, hommes et femmes, ont défié la morale et la loi avant nous… et quelques fois presque sans censure. Femmes lesbiennes de Berlin nous fait ainsi découvrir les salons calfeutrés, les dancings et les clubs fréquentés durant les Années folles par celles qu’on appelait alors les uraniennes ou encore les tribades. En dépit du paragraphe 175 du Code pénal allemand (criminalisant l’homosexualité masculine), en vigueur de 1871 à… 1994 et toujours appliqué à l’époque, les gays bénéficiaient alors d’une relative tolérance, la répression policière se limitant à la surveillance des lieux de rencontres. Les lesbiennes, quant à elles, pouvaient profiter pleinement du vide juridique laissé par la loi : qui, alors, se souciait en effet de la sexualité des femmes et notamment des femmes entre elles ? Ainsi, pléthores de clubs virent le jour dans la capitale allemande. Du café Dorian Gray au salon Meyer en passant par l’Auluka, les lesbiennes qui souhaitaient danser le tango, jouer du fifre ou simplement faire un brin de causette n’avaient que l’embarras du choix. Que Fräulein Roellig soit donc remerciée à tout jamais car son inestimable guide, lors de sa parution, offrit aux lesbiennes un début de visibilité et rend compte, aujourd’hui encore, d’un formidable melting pot social. La fête, malheureusement, fut de courte durée. En bas de pages, à côté de l’adresse des établissements, figurent leurs dates de fermeture : 1932, 1933, 1934 pour certains, beaucoup plus rares. Dès le début du régime nazi, la répression reprit le dessus et mit fin à l’illusion de la tolérance envers les homosexuels, hommes et femmes.

Femmes lesbiennes de Berlin de Ruth Margarete Roellig (éditions GayKitschCamp)

Image à la Une : Drei Akte vor dem Spiegel (détail), du peintre expressionniste allemand Otto Mueller (vers 1912)

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