Le festival Only Porn revient pour une troisième édition

Le festival Only Porn (dont la troisième édition se déroule ce mois-ci) veut mettre en valeur les cultures pornographiques alternatives. Mais qu’est-ce à dire au juste?

 

gingers_antonio da silva heteroclite festival only porn

 

Naguère méprisé et consommé dans la honte et le secret, le porno a aujourd’hui la cote. Ces dernières années ont vu se multiplier les festivals qui lui sont dédiés (le Porn Film Festival à Berlin, le NYC Porn Fil Festival à New York… et le festival Only Porn à Lyon !), avec pour volonté commune de proposer une alternative au porno mainstream, de permettre une expression large et diverse des sexualités, d’offrir un espace de diffusion du porno queer ou plutôt des pornos queers. Cependant, est-il toujours évident de faire la différence entre porno mainstream et porno queer ? Originellement, le porno mainstream est le porno commercial hétéro, réalisé par des hommes à destination des hommes, jugé avilissant pour les femmes, véhiculant une image normative de la sexualité. Il existe néanmoins également un porno mainstream gay, également commercial et qui tend lui aussi à propager une image normative des corps et des rapports homosexuels. Le porno queer, a contrario, serait donc un porno noncommercial qui tenterait par divers moyens de bousculer les représentations normatives de la sexualité.

Donner à voir des sexualités plurielles

Une des manifestations premières du porno queer serait donc de mettre en images des sexualités plurielles et alternatives et de permettre de sortir des approches binaires masculin/féminin, homo/hétéro. Ainsi, les courts-métrages réunis sous le titre Crash Pad Series se donnent pour objectif de recouvrir les différentes facettes des sexualités lesbiennes et trans, alors que le dernier épisode de la série Fucking Different XXY est entièrement réalisé par des trans. Les lesbiennes et les trans ne sont plus ici instrumentalisés comme ils peuvent l’être dans le porno mainstream, n’occupent plus une place subalterne et réductrice, mais exposent la diversité de leurs pratiques. Autre différence avec le porno mainstream, produit par des studios à des fins commerciales : le porno queer refuse autant que possible les logiques marchandes et invente de nouveaux modes d’élaboration. Ainsi, la réalisatrice d’origine suédoise Erika Lust, installée à Barcelone, envisage le porno comme un mode d’expression culturel. Pour réaliser sa série de films xconfessions, elle a mis sur pied une plateforme collaborative (xconfessions.com) sur laquelle les internautes viennent livrer leurs fantasmes. Erika Lust se charge ensuite de les mettre en images. Là encore, les structures binaires sont dépassées, puisque chaque volume de ces xconfessions regroupe des films aussi bien hétéros, lesbiens, gays que trans. Il ne s’agit donc plus de s’adresser directement à un public donné, à une cible commerciale préalablement identifiée, mais plutôt de laisser émerger la diversité des fantasmes et des désirs et de confronter le spectateur ou la spectatrice à des sexualités qui lui sont étrangères.

Prétendre à une démarche artistique et politique

Enfin, le porno queer semble se démarquer nettement du porno mainstream par sa revendication d’une démarche artistique et politique. C’est sans doute pourquoi les porn festivals sont souvent l’occasion de rétrospectives, mettant en avant le travail de réalisateurs ou réalisatrices qui ont su montrer les corps et les sexualités de manière alternative. On pense évidemment aux films de Bruce LaBruce mais également aux travaux de Stephen Sayadian, des réalisateurs qui ont toujours refusé de choisir entre cinéma grand public et cinéma porno. De même, a contrario du porno mainstream qui produit du film au kilomètre, on trouve dans le porno queer une attention toute particulière portée à l’esthétique des oeuvres. Ainsi, le réalisateur portugais Antonio da Silva réalise un travail minutieux sur la couleur ou le grain de l’image, s’attardant sur la poésie des instants qui entourent l’acte sexuel. En outre, il propose également une réflexion sur les stéréotypes sexuels, avec des films comme Daddies, qui cherche à définir un type de partenaire, ou encore avec Pix, montage d’images de profils récoltés en ligne sur Grindr ou sur des Tumblr, qui ironise sur la standardisation des représentations de nos avatars sexuels. Faire marcher ensemble le sexe et le cerveau, en somme : c’est là toute l’ambition du festival Only Porn.

Festival Only Porn, du 11 au 14 décembre au Lavoir public, 4 impasse Flesselles Lyon 1 / 09.50.85.76.13 / www.onlypornlyon.tumblr.com

 

À voir durant le festival Only Porn
_Fucking Different XXY + trois courts-métrages d’Erika Lust, vendredi 12 décembre à 20h
_Crash Pad Series, samedi 13 décembre à 17h
_Soirée Antonio da Silva (courts-métrages du cinéaste sélectionnés par ses soins), samedi 13 décembre à 20h30
_Découverte Stephen Sayadian, dimanche 14 décembre à 18h

 

Le manifeste du festival Only Porn
Plus qu’un simple moment de divertissement, le festival Only Porn revêt une dimension politique. C’est du moins ce que les organisateurs de l’événement laissent entendre dans un manifeste publié sur Facebook.
• Parce que nous pensons que le porno et le sexe ne sont pas un espace marchand mais un espace de liberté et de création,
• Parce que ne nous voulons pas laisser le discours sur la pornographie et le sexe aux mains des grenouilles de bénitier et autres réactionnaires, mais aux mains de ceux qui s’en amusent,
• Parce que nous pensons que le porno et le sexe sont un espace d’émancipation de la société, et donc un espace politique,
• Parce que nous sommes pro-sexe,
• Parce que Lyon, ville du cinéma et des arts, est la ville idéale pour accueillir le seul porn fest de France,
• Parce que nous pensons aux artistes – cinéastes, vidéastes, acteurs, performeurs, auteurs… – qui trouveront ici une tribune ou un espace de diffusion, de réflexions artistiques et politiques face à un public curieux et ouvert,
• Parce que nous pensons qu’aujourd’hui, la pornographie et le sexe sont un espace riche d’échanges et de débats,
• Parce que la pornographie, souvent réductrice et formatée, peut aussi être un espace de plaisirs partagés,
• Parce que nous voulons l’imagination au pouvoir, dans nos vies sexuelles comme dans nos vies tout court,
• Parce que nous voulons faire de l’espace sexuel qui appartient à chacune et chacun d’entre nous un terrain de jeu ludique, décomplexé, et jouissif !

 

Photo 1 : Fucking Different XXY (collection de six courts-métrages de réalisateurs différents, 2014)
Photo 2 : Ginger d’Antonio da Silva

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