Mourad Merzouki se frotte au numérique avec “Pixel”

Pour son retour en terres lyonnaises, Mourad Merzouki s’est adjoint les services de deux artistes numériques, Adrien Mondot et Claire Bardainne, afin de présenter un spectacle où la poésie naît de la confrontation entre les corps et un paysage virtuel insaisissable.

Mourad Merzouki pixel heteroclite lyon copyright Gilles AguilarSi le public lyonnais connaît depuis longtemps la danseur et chorégraphe Mourad Merzouki, ce n’est que récemment qu’il a pu découvrir le travail numérique d’Adrien Mondot et de Claire Bardainne lors du premier festival Lady Bug organisé au Lavoir public, en mai dernier. Or, ces trois-là ont justement choisi d’allier leurs savoir-faire dans Pixel, spectacle à la croisée des chemins entre danse hip-hop et vidéo interactive. Sur scène, les dix danseurs de la compagnie Käfig évoluent au milieu d’un environnement virtuel, qui revêt tout à la fois les caractéristiques d’un paysage en mouvement et d’un jeu vidéo grandeur nature. Loin de n’être qu’un simple gadget technologique, les projections vidéo conçues par Adrien Mondot et Claire Bardainne se marient admirablement à la chorégraphie de Mourad Merzouki (qui puise ses racines dans le break dance) et créent des instants d’une grâce insoupçonnée.

Explorer des contrées numériques

Évoluant au milieu des pixels, les danseurs trouvent dans l’animation virtuelle un prolongement naturel à leurs mouvements : la vidéo donne ainsi corps à une onde de choc qui souligne chaque geste et lui confère une plus grande envergure. En outre, Mondot et Bardainne ont fait le choix de la simplicité avec un habillage numérique noir et blanc, aux formes géométriques, qui contraste avec le raffinement des couleurs des costumes des danseuses et des danseurs. Néanmoins, cette austérité apparente se révèle dotée d’un puissant pouvoir évocateur. Tour à tour fluides, cassantes, souples ou dures, les projections numériques se parent des atours d’un système organique changeant, insaisissable, auquel les interprètes tentent de faire face.

De plus, les quadrillages vidéo qui suggèrent un sol et des parois accidentés, où surgissent rochers et crevasses, nous rappellent également les modélisations informatiques des jeux vidéo en cours d’élaboration, une sorte de genèse de la création numérique, un monde en devenir dans lequel les danseurs doivent trouver leurs marques. Ces explorateurs qui tentent d’appréhender un univers numérique inconnu nous renvoient alors à la condition humaine, mais forment aussi un méta-discours sur la danse en général (art qui repose sur l’interaction entre corps et espace) et sur le travail de Mourad Merzouki, Adrien Mondot et Claire Bardainne en particulier : trois artistes qui confrontent l’art chorégraphique à une matière nouvelle (les arts numériques), qui constitue sans aucun doute une voie à explorer pour l’avenir du spectacle vivant.

Pixel, du 20 au 30 janvier à la Maison de la Danse, 8 avenue Jean Mermoz – Lyon 8 / 04.72.78.18.00 / www.maisondeladanse.com

Photos : © Gilles Aguilar

 

Retour à la Maison

À Lyon, Mourad Merzouki est dans ses terres puisque c’est dans cette ville qu’il est né en 1973 avant de grandir à Saint-Priest. Très marqué par l’explosion du hip-hop dans les années 80, il fonde à l’âge de seize ans sa première compagnie, Accrorap, avec son ami Kader Attou. En 1994, leur chorégraphie Athina est présentée à la Biennale de la Danse et marque le début de leur reconnaissance commune. En 1996, Mourad Merzouki fonde une autre compagnie, Käfig (un mot signifiant «la cage» aussi bien en allemand qu’en arabe).

Fidèle à sa région d’origine, il s’installe avec Käfig en 2006 en résidence à l’Espace Albert Camus de Bron, avant de fonder en 2009 un nouveau lieu de créations chorégraphiques, le Pôle Pik, toujours à Bron. En 2009, il prend les rênes du Centre chorégraphique national de Créteil, prenant ainsi la succession de José Montalvo et… Dominique Hervieu, qui dirige depuis 2011 la Maison de la Danse et la Biennale de Lyon.

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