
Gilles Pastor met en scène “Affabulazione” de Pasolini
Affabulazione, qui s’inscrit dans un ensemble de six pièces rédigées à la fin des années 1960, prend place dans la carrière de Pasolini entre Théorème et Œdipe Roi et entretient des liens étroits avec ces deux œuvres.
En effet, tout comme Théorème, Affabulazione met en scène une riche famille d’industriels du nord de l’Italie qui va peu à peu imploser. Cependant, alors que le désordre qui s’installait au sein de la famille de Théorème était le fruit d’un élément extérieur, il est, dans Affabulazione, du fait du père de famille. À la suite d’un étrange rêve dans lequel il entrevoit les jambes d’un jeune homme, le père se met soudain à interroger ses rapports avec son fils et à remettre en question toute la structure familiale. Dans une sorte de crise œdipienne inversée, convoquant à la fois eros et thanatos, le père se surprend à éprouver attirance et répulsion pour son fils, ouvrant la brèche à une vaste réflexion sur la paternité.
Trouble dans le père
Or, Gilles Pastor confie volontiers qu’à cinquante ans, cette question de la paternité, et au-delà, celle de la filiation et de la transmission, se fait bien plus pressante qu’auparavant. Lui qui n’a jamais vraiment voulu être père et qui a toujours envisagé son travail artistique comme son héritage à transmettre se reconnaît dans le trouble du père d’Affabulazione. Comme dans les tragédies antiques, le noyau familial est ici le point de départ d’une réflexion élargie à un monde où les pères belligérants envoient leurs propres fils à la mort. Afin de souligner l’aspect tragique de la pièce, Pasolini convoque d’ailleurs le spectre de Sophocle, personnage que Pastor a choisi d’incarner à travers la voix de Jeanne Moreau, afin d’offrir aux spectateurs une référence culturelle commune, une figure tutélaire archaïque à laquelle se rattacher.
En contre-point, il a souhaité la présence sur le plateau de la jeunesse, qui s’incarne dans cinq joueurs de football d’une vingtaine d’années dont les interventions sportives viennent ponctuer l’action de la pièce. À travers cette réminiscence du chœur antique, Pastor évoque à la fois les jambes dont rêve le père d’Affabulazione et la passion de Pasolini pour ce sport populaire et pour les jeunes éphèbes qui s’y adonnent, mêlant dans un jeu complexe mythologie grecque et mythologie personnelle.
Affabulazione
Samedi 23 et 30 septembre et dimanche 1er octobre 2017 au TNP, 8 place Lazare-Goujon-Villeurbanne / 04.78.03.30.00 / www.tnp-villeurbanne.com
Photos © Thierry Chassepoux
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