La voix de Pierre Bourdieu


La parution des transcription des cours au Collège de France de Pierre Bourdieu souligne une fois de plus la puissance de l’œuvre de ce sociologue allié de la cause LGBT.


 

pierre bourdieu sociologie generale volume 1 cours au college de france 1981-1983 raisons d'agir cours et travaux editions du seuilPierre Bourdieu est une figure majeure de la vie intellectuelle, auteur d’une œuvre sociologique vaste et puissante. Ce dernier mot n’est pas choisi au hasard : les livres de Bourdieu ont la puissance de faire voir la société autrement et de poser des problèmes en des termes neufs. Dans les années 1990, alors qu’il était proche des mouvements sociaux, le sociologue avait apporté son soutien au PACS et encouragé les études gays et lesbiennes.

Depuis trois ans paraissent les transcriptions des cours au Collège de France du sociologue décédé en 2002. Intitulé Sociologie générale vol. 1, le dernier volume regroupe les cours de 1981-1982 et 1982-1983. Sa beauté réside notamment dans la voix de Bourdieu que la transcription fait entendre. C’est un autre ton que celui de ses livres : non pas la langue écrite, complexe, mais le style oral, pédagogique, qui suit le fil de la pensée, fait apparaître les étapes de la réflexion ou se laisse emporter par une digression. Il est passionnant de lire comment Bourdieu relie ses concepts aux questions de sexualité et de genre.

Selon lui, «le nominal est aussi réel que le réel ; les mots, s’agissant de choses sociales, sont des choses et font des choses». Bourdieu revient longuement sur la performativité : ce qui est décrit comme la réalité est en fait créé par les discours qui la prennent pour objet. Il faut alors s’intéresser aux luttes entre les discours, à la concurrence entre les différentes visions du monde et la manière dont elles reçoivent, dans le cas des visions dominantes, leur légitimité.

Comme il le fera dans La Domination masculine (1998), Bourdieu s’attarde sur les catégories du masculin et du féminin, sur leur utilisation dans la pratique ordinaire du monde social, aux côtés des catégories droite/gauche, dominant/dominé, actif/passif, etc. Quelques années après l’apparition du mouvement féministe, le sociologue insiste sur la manière dont celui-ci a imposé une nouvelle vision de la société, en apportant de nouveaux schémas de perception et en contestant les hiérarchies : il n’est plus possible, rappelle Bourdieu, de parler de la société sans se préoccuper du genre des individus, et de la manière dont ce genre découpe des groupes sociaux ou des classes.

Pessimiste, Bourdieu ne cesse de se demander pourquoi le monde social perdure dans sa forme, avec ses violences et ses inégalités. Au sujet de la défense de l’enseignement des langues anciennes, le sociologue livre cette remarque : si certains mettent autant d’énergie à nier les rapports de domination et les discours des dominés (et l’on peut penser aux femmes, aux minorités sexuelles, ethniques, raciales, etc.), c’est qu’ils défendent avant tout leurs propres valeurs, les profits et les privilèges qu’ils tirent des hiérarchies en place.

 

Sociologie générale vol. 1 de Pierre Bourdieu (éditions du Seuil)

 

Photo Pierre Bourdieu © Daniel Mordzinski

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