“Les Liaisons dangereuses” inspirent le théâtre

Les Liaisons dangereuses inspirent ce mois-ci deux spectacles aux partis-pris très différents, preuve s’il en est des multiples interprétations auxquelles se prête encore le roman épistolaire de Choderlos de Laclos.

 

les liaisons dangereuses ne me touchez pas anne theron credit jean-louis fernandez

 

Monument de la littérature du XVIIIe siècle, Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, roman épistolaire publié en 1782, met en scène la correspondance entre deux libertins qui se jouent des convenances de leur époque, le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil. Si le jeu cruel auquel se livrent les deux protagonistes à l’encontre de la présidente de Tourvel, de Cécile de Volanges et du chevalier Danceny est bien connu, il a cependant donné lieu à de multiples interprétations. Deux exemples s’offrent ainsi au public rhônalpin ce mois-ci, avec la mise en scène par Michel Raskine de Quartett d’Heiner Müller, pièce datant de 1980, et Ne me touchez pas, pièce écrite et mise en scène par Anne Théron et créée en septembre 2015. On notera que dans les deux cas, les auteurs ne revendiquent qu’une inspiration des Liaisons dangereuses et refusent le terme d’adaptation au sens strict.

Merteuil : bourreau ou victime ?

Chez Müller, Valmont et Merteuil se font face une dernière fois, dans un espace hors du temps, pour solder leurs comptes. Dans une étrange mise en abYme, deux comédiens seulement incarnent à la fois le duo maléfique et ses victimes (Valmont incarne la présidente de Tourvel ; Merteuil, tour à tour Valmont et Cécile de Volanges). Pour l’occasion, Raskine a fait appel à une distribution atypique. S’il confie le rôle de Merteuil à sa complice de toujours, l’actrice Marief Guittier, il a en revanche choisi un jeune comédien, Thomas Rortais – qu’il a déjà fait jouer dans Le Triomphe de l’Amour et Au cœur des ténèbres – pour interpréter Valmont. La jeunesse incongrue du vicomte face à une marquise vieillissante et la présence sur scène de Merteuil au début et à la fin de la pièce confèrent à cette dernière un rôle de démiurge, comme si toute l’action n’était que le fruit de sa volonté ou de son imagination. Merteuil devient le personnage principal, le chef d’orchestre. Tous les autres, Valmont y compris, ne sont que ses pantins au cœur de cette quête de pouvoir teintée d’érotisme. Pour sa part, Anne Théron a choisi une approche sensiblement différente. La romancière, dramaturge, metteure en scène et réalisatrice se place en effet du côté des femmes et envisage l’histoire du point de vue de la présidente de Tourvel et de la marquise de Merteuil, qu’elle considère comme deux victimes, conduites à la mort – sociale ou physique – par Valmont. Contrairement à ce que propose Raskine avec le texte de Müller, Théron ne confère pas à Merteuil le rôle de meneuse de jeu mais celui de dupe. Au final, ces divergences d’interprétations renvoient le spectateur à l’ambigüité du roman, le théâtre venant éclairer certains aspects de l’œuvre sans trancher de manière péremptoire.

Quartett, du 6 au 24 janvier aux Célestins, 4 place Charles Dullin-Lyon 2 / 04.72.77.40.00 / www.celestins-lyon.org

Ne me touchez pas, du 19 au 23 janvier à la MC2, 4 rue Paul Claudel-Grenoble / 04.76.00.79.79 / www.mc2grenoble.fr

 

Photo 1 © Julien Louisgrand
Photo 2 © Jean-Louis Fernandez

 

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