Cabotinages 2/5 : “Charlotte Moorman joue de Nam June Paik”

Dans l’édition 2015-2016 du guide culturel régional Sissy (paru en septembre 2015), Patrice Béghain, ancien adjoint à la Culture de la Ville de Lyon, nous présente cinq œuvres d’art contemporain tirées des collections des musées de Rhône-Alpes. Ici, une œuvre de Peter Moore, Fig. 14, 4. 10. 65 Charlotte Moorman joue de Nam June Paik comme d’un violoncelle humain pour un fragment de 26’1.1499″ de John Cage (1965), exposée au Musée d’art contemporain de Lyon.

Le photographe britannique Peter Moore a choisi de “documenter l’art”, en fixant durant plusieurs décennies la trace des performances de la scène artistique new-yorkaise. Charlotte Moorman joue de Nam June Paik comme d’un violoncelle humain pour un fragment de 26’1.1499″ de John Cage, performance de 1965 qui rassemble la violoncelliste Charlotte Moorman et le vidéaste Nam June Paik, fait manifestement écho à la célèbre photographie de 1924 de Man Ray, Violon d’Ingres, elle-même inspirée du tableau d’Ingres, Baigneuse Valpinçon. Man Ray avait choisi de représenter sa maîtresse d’alors, Kiki de Montparnasse, de dos, les bras repliés, de sorte qu’elle ressemblait à une table de violon ou de violoncelle, effet accentué par l’inscription au pochoir sur la photographie de deux ouïes à hauteur de la taille. Dans la performance new-yorkaise, au terme d’un renversement des rôles, c’est l’homme qui devient un instrument dont joue la femme. Dans un commentaire rédigé au moment de l’acquisition d’un ensemble de ses photographies par le Musée d’Art Contemporain de Lyon, Peter Moore écrit à propos de cette variation : «Était-il chatouilleux ? Elle n’a pas l’air content». À l’inversion des rôles s’ajoute l’incertitude des situations et des humeurs.

Photo © Estate of Peter Moore / VAGA, NYC / ADAGP, Paris 2005