Sortie cinéma : “Les Amants de Caracas” de Lorenzo Vigas

Un film (Les Amants de Caracas) et un roman (Je suis en vie et tu ne m’entends pas) récemment parus mettent en lumière la double homophobie (intériorisée ou extérieure) qui ronge trop de nos vies.

Il ne s’agit pas de comparer les souffrances. Mais tous deux sont des survivants et doivent se débrouiller avec, tant bien que mal, car les douleurs du passé ne vous abandonnent pas comme ça. Elles hantent, elles résistent, elles resurgissent, elles vous brisent encore et encore, comme dans Les Amants de Caracas, comme dans Je suis vivant et tu ne m’entends pas.

daniel arsand je suis en vie et tu ne m'entends pas editions actes sudKlaus, le héros du beau et terrible roman de Daniel Arsand (Je suis vivant et tu ne m’entends pas) a survécu aux camps nazis, à la déportation pour homosexualité et au cortège d’horreurs de ces années-là. Il a survécu aussi au retour, aux humiliations quotidiennes, au rejet familial, au silence longtemps obligé et aux résurgences régulières de la haine et des cris «à bas les pédés !».

Le livre raconte cette vie d’après, entre petits bonheurs du quotidien et blessures toujours à vif. Klaus survit et se bat pour survivre à travers les années, les épreuves et la difficile reconnaissance du souvenir de son martyre. Pourtant, jamais Klaus n’abandonnera sa soif d’amour et il aimera, sera aimé, envers et contre tout.

Refuser de vivre pour survivre

les amants de caracas Lorenzo Vigas alfredo castroArmando, le prothésiste dentaire solitaire et austère dont Lorenzo Vigas a fait le personnage central de son premier film, Les Amants de Caracas (quel mauvais titre !), pourrait ressembler à Klaus, mais il en est en quelque sorte le négatif. De sa souffrance initiale, on ne saura pas grand-chose, sauf qu’elle est en lien avec son père. De son homosexualité, on comprendra vite qu’elle est problématique, mal vécue : un exutoire dérisoire obtenu en payant des gamins des rues pour qu’ils lui dévoilent leurs culs. Et lorsque la possibilité d’autre chose, de corps à corps réels, d’un sentiment partagé avec le jeune Elder, s’affirmera, il sera incapable de le supporter…

La survie d’Armando passe par le refus de sa vie. Le constat de ce film âpre, lent, dépouillé, d’une intensité folle, est implacable.

Armando et Klaus, dans leurs ressemblances et leurs différences, sont deux visages complémentaires de l’homophobie qui ronge nos vies. Pour l’un, une homophobie intériorisée, dévorante, mortifère. Pour l’autre, une homophobie extérieure, violente, permanente, qui cherche à abattre sans cesse. Chacun, comme chacun d’entre nous, se débrouille de l’une et de l’autre, plus ou moins bien, plus ou moins courageusement. Il n’y a pas de hiérarchie entre elles…


Je suis en vie et tu ne m’entends pas
de Daniel Arsand (éditions Actes Sud)
Les Amants de Caracas de Lorenzo Vigas (sortie mercredi 4 mai)

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