Olivier Steiner hanté par le fantôme de Patrice Chéreau

Après Bohème (2012) et La Vie privée (2014), Olivier Steiner publie son troisième ouvrage, La Main de Tristan et poursuit son exploration de l’autofiction en brouillant un peu plus les lignes entre roman, récit et témoignage.

la-main-de-tristan-olivier-steiner-editions-des-busclatsDans ce nouvel opus, Olivier Steiner reprend le thème de Bohème, son premier roman, à savoir sa relation – constitutive, quasi-initiatique – avec le metteur en scène Patrice Chéreau. Néanmoins, il ne s’agit plus ici de se cacher et les noms des divers protagonistes de cette histoire sont conservés. Et c’est justement là que réside toute l’ambigüité, tout le sel de l’entreprise. Car Steiner connait trop bien les rouages de l’autofiction pour s’en laisser conter. En lecteur assidu de Marguerite Duras et d’Annie Ernaux et en travailleur acharné de la langue française, il sait bien que les seuls prénoms ne suffisent pas à faire témoignage. Son Olivier et son Patrice, bien qu’ils renvoient directement à des personnes identifiables, n’en sont pas moins des personnages.

Des amours littéraires

Peu importe alors le respect ou le non-respect de la chronologie des faits, la véracité de tel ou tel détail, le brouillage volontaire ou non des pistes, la fiabilité incertaine de la mémoire : Steiner fait œuvre littéraire. Il pioche dans ses souvenirs, il collecte ses expériences, il confronte ses sentiments et ses émotions pour en extraire la moelle, pour raconter une histoire d’amour, pour retracer une initiation. Sous les yeux du lecteur surgissent la passion des débuts et l’excitation de la nouveauté de cette relation, à travers les échanges SMS et les conversations téléphoniques. Puis la mue des sentiments, le délitement, la transformation d’une émotion forte en quelque chose de moins indomptable.

Steiner dévoile également les failles, les faiblesses que fait naître la passion amoureuse, la perte de repères, la difficulté à envisager le quotidien, l’appel à l’aide. Si Steiner a ressenti le besoin de dévoiler les identités, il ne s’agit jamais de voyeurisme pour le lecteur, ni du plaisir coupable de la presse à scandales, mais seulement d’éprouver des amours littéraires.

 

La Main de Tristan d’Olivier Steiner (éditions des Busclats)

À lire aussi : Patrice Chéreau à l’œuvre, sous la direction de Marie-Françoise Lévy et Myriam Tsikounas (Presses Universitaires de Rennes)

 

Photo © Jean-Baptiste Deneuve

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