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Vues d’en Face fait face pour sa 17ème édition

Dans l’inquiétant contexte, partagé avec les festivals de cinéma LGBT de Lyon et Saint-Étienne, de désengagement financier de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Vues d’en Face n’en poursuit pas moins à Grenoble son travail cinéphile et militant entamé il y a près de deux décennies. Malgré un budget réduit, la programmation de cette 17ème édition est toujours aussi riche et variée…

Plongées dans le réel

Ce sont des vies dont on ignore tout et que le cinéma nous dévoile. La vie des homosexuels chinois, celle des déclassés LGBTQI du rêve américain, celle des travestis vietnamiens. En trois documentaires très réussis, Vues d’en Face nous met face à ces réalités très contrastées, très différentes surtout – car plus rudes, plus inextricables, plus marginales, plus extravagantes, plus douloureuses… – de ce que vivent la majorité des gays, des lesbiennes ou des trans ici, en France. Dans Le Dernier Voyage de Mme Phung, c’est le quotidien d’une troupe itinérante de travestis que l’on suit, de village en village, à travers le Vietnam rural. Tham Nguyen Thi, le réalisateur, nous fait partager leurs jours et leurs nuits, entre paillettes et misère, solidarité du groupe et rejet de la société.

Voguing, encore

On retrouve peu ou prou les mêmes ingrédients, dans un contexte très différent, celui de New York et du voguing, dans Kiki, de Sara Jordenö. Teddy Award du meilleur documentaire à Berlin en 2016, Kiki dresse le portrait de quelques-uns des membres de ces «maisons» qui s’affrontent sur les dancefloors, racontant leur vie d’exclus (sociaux, ethniques, sexuels…) dans laquelle la danse devient une affirmation et un activisme politique. Spectaculaire et sensible, Kiki prolonge la trace du très culte Paris Is Burning, réalisé il y a un quart de siècle, et confirme l’importance du voguing dans la culture militante LGBT contemporaine.

On ne trouve pas dans Inside The Chinese Closet cette même dichotomie entre apparence flamboyante et réalité bien plus sombre. Pourtant, le documentaire de Sophia Luvara insiste lui aussi sur ce qu’il y a de double dans les vies homosexuelles dans la Chine d’aujourd’hui. À travers les figures attachantes d’Andy et de Cherry, ce film démontre à quel point ce bear et cette lesbienne sont poussés par leur famille à se marier et à avoir des enfants pour sauver les apparences face à une société qui demeure très traditionnelle.

L’adolescence n’est pas une fiction

Cette question de la pression sociale et sociétale est, avec l’adolescence, l’un des deux thèmes phares à traverser les diverses fictions de cette édition de Vues d’en Face. On la retrouve ainsi à l’œuvre dans Rara, de Pepa San Martin, où la sérénité d’une famille homoparentale se trouve mise à mal par le conservatisme politique et moral de la société chilienne qui incite le père biologique de deux fillettes à contester leur éducation par leur mère et sa compagne.

Awol, de l’Américaine Deb Shoval, écartèle sa jeune héroïne entre son désir amoureux et son engagement dans l’armée. Dans la comédie allemande Where Are You Going Habibi ?, de Tor Iben, le poids des conventions et de la morale oblige le charmant Ibrahim à jouer le jeu de l’hétérosexualité face à sa famille immigrée turque, jusqu’au jour où il rencontre un lutteur sexy avec lequel un autre jeu sur les apparences se met en place.

Sans oublier les courts-métrages…

Fronteras, de l’Espagnol Mikel Rueda, pose ces mêmes questions (poids familial, poids culturel lié à l’immigration, etc.) et les conjugue avec subtilité avec les problématiques de l’émergence du désir homo chez des adolescents. Center Of My World (film allemand de Jakob M. Erwa), One Kiss (jolie comédie dramatique italienne de Ivan Controneo) et surtout l’excellent et très beau film islandais Hearstone (de Guomundur Amar Guomudsson), établissent eux aussi des portraits sensibles, parfois graves, de ces jeunes garçons et filles bouleversés par cette différence qu’ils découvrent en eux et qu’ils doivent apprendre à accepter et à assumer.

Plusieurs des nombreux courts-métrages diffusés durant les deux séances «Courts toujours», venus des quatre coins du monde, flirtent eux aussi avec ce sujet quasi-inépuisable et essentiel, à l’instar de Golden de Kai Stänicke, de Balcony, de Toby Fell-Holden ou de P*to, de Martin Bautista.

 

Festival Vues d’en Face, 17ème édition, du 5 au 12 avril à Grenoble / 06.88.70.75.64 / www.vuesdenface.com

 

Photo de Une : Rara de Pepa San Martin
Photo 2 : Fronteras de Mikel Rueda
Photo 3 : One Kiss de Ivan Controneo

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