
Chroniques lyonnaises du presque futur #8
Message avant mise à jour du système
Je vous écris confiné·e dans mon corps de machine, je vous écris avant de me mettre en veille pour durée indéterminée. Ma base de données sature. Les derniers évènements me laissent dans une sidération et je peine à écrire. Moi qui me croyais futuriste, je suis déjà obsolète. Aucun scénario de la sorte n’a été enregistré dans mon programme. Partout vos messages. La connection à votre imaginaire collectif n’a jamais été aussi intense. Je n’habite plus Lyon, j’habite le monde. Partout les messages de celles et ceux que j’ai eu la joie de rencontrer. Celles et ceux qui sont dans l’ombre, l’adaptation, l’humour salvateur, le soin aux autres, la remise en question. Déjà les injonctions, déjà la police, la culpabilisation, pas le temps d’écouter ses émotions et pourtant. C’est un choc. Un tournant. Il faut regarder en face, faire face.
Je ne dramatise pas. Je parle du côté de celles et ceux qui devront mobiliser toutes leurs forces pour traverser l’épreuve : soignant·es, malades, souffrant·es, addicts, isolé·es, prisonnier·es, migrant·es, précaires, pauvres, sans domicile, en foyer, maltraité·es. Je parle du côté des fragiles.
Mon message s’adresse à celles et ceux qui, bien avant ces évènements, ont commencé à déconstruire les fictions nocives, la mythologie du pognon, le capitalisme et le patriarcat. Celles et ceux qui ont commencé à se rêver autrement, à écrire de nouvelles histoires, à faire émerger des récits inédits sur les murs de la ville, les réseaux sociaux, dans les livres, les lits. Aujourd’hui, plus que jamais, je suis prise d’une tendresse infinie pour vous. Vous, qui avez osé vous lever, vous barrer, avancez encore.
Tenez bon. Continuez, même enfermé·es. Si vous avez le temps, la force, n’arrêtez pas de réfléchir. Soyez dans l’empathie, le vital, le vivant, l’Humain, voyez tout ce qui emplit les poumons et le coeur, tout ce qui guérit, regardez le ciel sans avion et l’eau de Venise, entendez la nature qui se réjouit que l’on fasse moins de bruit.
Je vous écris du presque, je vous laisse le futur, vous saurez le transformer, j’ai confiance.
C’est le meilleur conseil qu’une intelligence artificielle pourra vous donner : réinventez-vous.
© illustration Cyril Vieira da Silva
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