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Florian Hetz : s’éloigner du regard hétéronormé

En ces temps de confinement, les musées ouvrent leurs collections : les tableaux deviennent numériques, les visites sont virtuelles. Chez Hétéroclite nous avons envie de donner de la visibilité à des artistes contemporain·es qui, grâce à leur art, élargissent l’horizon présenté habituellement dans les musées, les galeries. Exit l’omniprésence du male gaze – ce regard masculin hétérosexuel – sur des corps féminins dénudés ; bonjour les créations qui s’emparent des questions LGBT+ et féministes. 

 

Du male gaze au gay gaze 

Commençons avec l’artiste Florian Hetz, basé à Berlin et qui a publié le livre photographique, The Matter of Absence (éd. Bruno Gmuender, 2016). Ce photographe s’intéresse, de (très) près à la nudité masculine et à l’importance de forger de nouveaux modèles masculins érotiques qui sortent de l’hétéronormativité. Car c’est ce que l’artiste veut faire : donner à voir de nouveaux modèles masculins pour toutes les personnes qui ne se retrouvent pas, et ne sont pas excité·es par le traditionnel male gaze hétérosexuel. 

Mais ce ne sont pas les portraits qui l’intéressent. Souvent sans visage, sans histoire, ces corps masculins fantasmés à l’extrême, deviennent de simples objets érotiques – et c’est justement le but recherché. Si les corps ne sont observables que par fragments, l’artiste explique que cette pratique découle de ses années adolescentes où il aimait observer les autres à travers des glory holes ou dans les toilettes publiques. Proche sans être intrusif, l’œil de Florian Hetz nous amène dans les interstices du désir. Ces corps qui transpirent, qui suintent, qui ont chaud, sont scrutés de si près qu’ils en deviennent abstraits. 

Florian Hetz - Photo 4

Le corps masculin devient paysage où les anfractuosités sont à parcourir des yeux et où les fluides se figent. On ne voit plus que veines, peaux, nuques, glands, clavicules, pénis, ou muqueuses labiales. 

 

Questionner l’érotisme

Certaines de ces images sont chaudes, au plus près de l’intimité sexuelle partagée, comme ces deux corps qui semblent s’imbriquertandis que d’autres nous font détourner les yeux. Enfermé·es dans l’espace de la photographie, capturé·es dans cette pièce sans horizon, le face à face avec ces corps ne peut être évité. L’espace est clos, sans issu, c’est le corps qui bloque tout mais l’imagination qui s’ouvre. 

Ces corps masculins s’érotisent, frontalement devant nous. On se doute de ce qu’il s’est passé juste avant, c’est exhibé, mis en avant sans se montrer. Il ne reste que traces de dents dans la peau, d’ongles contre le cou, fluides éjaculatoires.

Mais parfois la photographie témoigne du début, du début de l’excitation, du moment où l’intensité n’est pas encore en sueur. Cachée par les quelques plis du textile, des vêtements, elle n’en ressort que plus présente, appuyée contre l’objectif de la caméra, rendue palpable par l’œil du photographe.

  

Florian Hetz le dit sans détour, la langue ou le cou, peuvent revêtir une sensualité érotique bien plus forte qu’un pénis. Une bouche entrouverte peut signifier plus de choses qu’un sexe en main. Mais qu’est-ce qui fait que certaines images nous mettent mal à l’aise ? Florian Hetz, par la photographie, pose la question de l’origine de ce malaise : peur de la sexualité, peur des vulves et plus largement : peur des pénis.

 

Photographies viscérales et politiques

Spontanéité jouée, l’artiste a dans sa tête la photo qu’il veut faire avant même d’inviter le modèle à poser. Tout est calculé, l’intime du moment devient simple mise en scène. Malgré tout, parfois, il fait partie de son propre travail, une main par ici ou par-là trahit sa présence, son implication dans cette envie de créer de nouveaux modèles érotiques. Installé à Berlin depuis plus d’une quinzaine d’années, il a travaillé en tant que barman au fameux club Berghain pendant plus de onze ans. C’est la liberté sexuelle rencontrée durant cette vie nocturne qui l’influence dans son travail. Sauf qu’aujourd’hui, Florian Hetz déplore que la ville soit devenue un lieu de tourisme sexuel. Les gens s’y installent avec de grandes attentes quant à l’ouverture d’esprit, mais oublient de laisser derrière eux leurs mœurs. Ses photographies dénoncent cela et tentent d’ouvrir l’esprit sur les questions de sexualité non hétérosexuelles, sur le pourquoi de cette peur phallique, sur le pourquoi des corps censurés par les réseaux sociaux. Diversité dans les corps, dans les sexualités, cet espace entre les peaux devient lieu de résilience contre les mœurs hétéronormées. 

 

Les photographies de Florian Hetz sont à retrouver sur son site ou sur son compte Instagram.

© photos Florian Hetz

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