Tal Piterbraut-Merx

Tal Piterbraut-Merx : penser la domination adulte

En hommage à Tal Piterbraut-Merx, nous partageons un des nombreux apports de sa pensée à la philosophie contemporaine et au militantisme : une analyse fine des relations adultes-enfants comme rapports sociaux de pouvoir.

Tal Piterbraut-Merx menait une thèse sur les relations adulte-enfant comme problème pour la philosophie politique à l’ENS Lyon. Victime d’inceste pendant son enfance, son engagement contre les violences sexuelles et la domination des adultes s’incarnait dans ses travaux de recherche et activités militantes. Gouine, féministe, juif et victime d’inceste, elle « pensait et vivait dans sa chair l’intersection de ces identités ». Il s’est donné la mort le 25 octobre 2021.

L’effet performatif de la « vulnérabilité » des enfants

Piterbraut-Merx est parti d’un constat : l’enfant est considéré comme un être intrinsèquement vulnérable, dont la fragilité et le droit à l’innocence impliqueraient un devoir de protection de la part des institutions familiales et étatiques. Découlent de cette fragilité “naturelle” un statut juridique particulier (la minorité), une incapacité d’exercice (représentants légaux), un accès bloqué à certaines ressources (politique, sexualité).

L’idée de vulnérabilité implique une menace, qui n’a ici pas de visage clair. “Qui est un danger pour l’enfant ?” L’institution familiale, construite dans notre imaginaire comme refuge symbolique et matériel des violences, est leur organe de production principal. L’État a un rôle correctif si la famille faillit à son devoir, mais son autorité en tant que structure n’est jamais contestée. À partir de là, Piterbraut-Merx propose un renversement : et si les institutions familiales et étatiques n’étaient pas un remède à la vulnérabilité naturelle de l’enfant, mais qu’elles la produisaient ? Le passage d’une approche naturaliste (vulnérabilité naturelle, pré-sociale) à une approche constructiviste (vulnérabilité construite par un système), permet de penser les violences envers les enfants comme n’étant pas le produit unique du patriarcat, mais également d’une domination propre aux adultes sur les enfants.

Ainsi, la famille a tant de capacités sur l’enfant qu’elle le fragilise. Le droit à l’innocence de l’enfant le rend ignorant donc vulnérable, l’empêchant d’accéder à des connaissances qui pourraient lui permettre de se prémunir contre certaines violences (apprentissage du consentement). Les relations parentales sont si écrasantes (enfant privé d’autonomie, quasi-propriété des parents), que l’inceste et les violences ne sont pas des actes monstrueux : ils sont rendus possibles par la domination adulte. Il convient donc de mettre un visage sur cette menace, de s’attaquer aux institutions « paternalistes protectrices », pour repenser tout l’imaginaire autour de la famille et de l’enfance.

Pour aller plus loin
Liste des recherches, entretiens, conférences et livres de Tal Piterbraut-Merx.

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