Plus de 20 ans après sa publication originelle, Princesa, classique de la littérature transgenre italienne, est enfin traduit et publié en français.

Princesa : Une Odyssée d’un autre genre

Un peu plus de 20 ans après sa publication originelle, Princesa de Fernanda Farías de Albuquerque et Maurizio Iannelli, classique de la littérature transgenre italienne, est enfin traduit et publié en français grâce aux éditions Héliotropismes. 

La genèse de l’ouvrage est, en elle-même, déjà poétique. Emprisonnée en Italie, à Rebibbia, après avoir quitté son Brésil natal, Fernanda Farías rencontre Maurizio Iannelli, incarcéré pour sa participation aux actions des Brigades Rouges, et Giovanni, un berger sarde ayant braqué une banque. Ils construisent le livre ensemble, progressivement, par échange de papiers entre trois détenus et trois langues, le portugais l’italien et le sarde. Du mot de Maurizio Iannelli, co-auteur de l’ouvrage, il s’agissait alors d’« écrire pour rester entier, pour résister à l’action dévastatrice de la réclusion, pour ne pas oublier que l’on est né libre. »

Ainsi les détenus entreprennent-ils de retracer la vie de Fernanda, son enfance dans la campagne du Nordeste, sa fuite dans les grandes métropoles du Brésil, et son arrivée en Europe, d’abord en Espagne, puis en Italie. L’occasion pour les lecteur·rices d’une double-découverte : d’abord, celle d’une subjectivité qui, bien que malmenée, persévère dans son désir de liberté sans se laisser entraver. Ensuite, celle d’un milieu d’une extrême précarité. Un travail du sexe soumis aux meurtres et exactions de la police, des clients, et d’une population qui, dans un contexte de panique du VIH, de haine raciale, de transphobie marquée, et d’impunité totale, va jusqu’à organiser des lynchages. 

Cette violence parcourt le récit de vie de Fernanda, et la lecture du livre en est éprouvante, tant la réalité qui nous est donnée à lire est profondément criblée par l’injustice.

Au miroir du temps 

L’écart de 20 ans entre la publication et la traduction vient également mettre en lumière l’évolution des représentations autour de la transidentité, et notamment dans ses liens avec l’homosexualité. 

La distinction entre identité de genre et orientation sexuelle opère de manière moins stricte dans l’univers du livre, que ce soit dans le regard des autres, qui, pour insulter Princesa, la qualifient constamment de « veado », injure réservée aux homosexuels passifs, mais aussi, et de manière plus étonnante, dans les mots des principales concernées, où la dimension du désir et celle de l’identité s’entremêlent.

Si la lecture du livre peut donc être surprenante pour un·e lecteur·rice d’aujourd’hui, c’est aussi là que réside sa richesse : dans le fait d’avoir pu, quasi-miraculeusement, sauvé une parole et une expérience qui semblaient vouées à l’oubli. Dans le témoignage d’une subjectivité certes, mais également dans celui d’une époque et d’un milieu souvent condamnés au silence. 

À lire

Princesa de Fernanda Farías de Albuquerque et Maurizio Iannelli (Héliotropismes). En librairies.

Pour aller plus loin :

Les universités de Rome et d’Aix-Marseille mènent depuis vingt ans un projet autour de la genèse et de la constitution de Princesa dont le travail est accessible en ligne ici.

 

 

 

 

 

 

 

 

© Giovanni Tamponi

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.