Ludivine Ducrot

Ludivine Ducrot lutte contre les violences sexistes et sexuelles

À la tête du Fil, la salle de concert labellisée SMAC (Scène de Musiques Actuelles) de Saint-Étienne depuis septembre 2021, Ludivine Ducrot fait de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles une priorité.  

Ludivine Ducrot

Vous avez pris la direction du Fil en septembre dernier. Aviez-vous déjà pensé à être à la tête d’une salle de musiques actuelles ?

Ludivine Ducrot : Alors absolument pas. J’étais directrice de Grand Bureau, le réseau régional des musiques actuelles. J’avais toujours dit aux gens qui me connaissent bien que je ne prendrai jamais la direction d’un lieu parce que je pensais que ce n’était pas pour moi. C’est vrai que je portais un festival de musiques actuelles qui s’appelle le Rock n’Poche, festival en Haute-Savoie, depuis très longtemps. Mais je ne savais pas. Est-ce que c’est une question de légitimité ? Je ne sais pas, mais je ne me sentais pas totalement en phase avec ça. Finalement aujourd’hui, je suis très contente de ce choix parce que c’est passionnant. Ce sont des lieux qui sont multiples, on peut y défendre plein de choses et je trouve ça assez chouette.

À votre connaissance y a-t-il beaucoup de femmes à la tête de SMAC en France ?

Si on prend les statistiques nationales c’est toujours un peu effrayant, elles sont en train d’évoluer, mais sur les SMAC, on est à peu près sur 13 ou 14% de femmes. Apparemment ça bouge, il y a eu des belles avancées notamment en région Auvergne-Rhône-Alpes, avec l’arrivée de Céline Coutable à la Cordo de Romans-sur-Isère. Et il y avait déjà Ludivine Chopard au Brise-Glace à Annecy. On vient d’un secteur très masculin donc il a fallu faire changer un peu les regards, les visions, mais je pense qu’on est en bonne voie. Il ne faut rien lâcher, ça c’est sûr.

Vous avez décidé de vous engager au Fil contre les violences sexistes et sexuelles. Pourquoi cette décision ?

J’en étais assez convaincue. Alors, évidemment,  je suis une femme, je travaille dans ce secteur depuis très longtemps, j’ai commencé très jeune à aller dans les concerts et j’ai toujours vu aussi la difficulté d’être une femme dans une salle de concert. Ce n’est pas la même chose qu’être un homme, on sent bien qu’il va falloir être sûre que tout se passe bien pendant la soirée. Personnellement je n’ai jamais eu de problèmes mais j’ai toujours été assez sensible à ça et c’est vrai qu’il y a quelques années, il y a des histoires qui ont commencé à sortir sur le web. On a donné une visibilité à ces problématiques-là, ce qui moi m’a persuadée que j’avais un rôle à jouer et que si un jour je pouvais le jouer un peu plus fortement, je le ferais.

Vous avez mis en place une série de formations à destination des salarié·es et bénévoles du Fil ?

On a d’abord été sur un volet de sensibilisation, c’était une première étape, à l’automne. Et la prochaine étape, c’est de former les salarié·es à la question des publics bien sûr, mais aussi en interne, à comment je me positionne. Ici, on a un privilège immense d’être à égalité femmes-hommes. Le deuxième volet qu’on va monter est plutôt à l’échelle du département de la Loire, où on va travailler avec les autres lieux de musiques actuelles du territoire, sur la question des violences sexistes et sexuelles. Enfin, le dernier élément en expérimentation en ce moment, c’est qu’on travaille avec une équipe de bénévoles qui a été formée à la prévention sur les violences sexistes et sexuelles et qui intervient sur les soirées tardives qui finissent à 3, 4 ou 5h du matin. Il y a eu un premier épisode fin mars qui s’est super bien passé, avec beaucoup de bienveillance de toutes les personnes qui ont participé à la soirée et qui ont vraiment trouvé chouette qu’on prenne ce sujet à fond.

Est-ce que les dispositifs mis en place sur les soirées tardives se matérialisent par de la signalétique, en plus de l’équipe ?

Oui, c’est tout un travail chez nous. Il y a effectivement une équipe qui est là, et après il y a de l’affichage qui se fait, dans des endroits bien ciblés, à l’intérieur du lieu. On met en place une ligne téléphonique pendant toute la soirée qui est communiquée sur les affiches, si les gens souhaitent contacter quelqu’un ou s’ils ont vu quelque chose. 

Avez-vous déjà eu des retours, des sollicitations des bénévoles de la part de la clientèle ?

Ce qui était assez chouette, c’est qu’ils ont beaucoup discuté avec beaucoup de publics qui sont venus les voir volontairement en leur disant « c’est super que vous fassiez ça, on va en parler autour de nous, c’est super important que ces démarches-là se mettent en oeuvre » donc je pense que c’est déjà une vraie reconnaissance du public.

Ce que vous nous dîtes au final, c’est que ça rencontre aussi une attente du public ?

Au-delà des publics féminins, je pense que tous les types de public qui viennent dans les salles de concert ont besoin un moment de se sentir dans des lieux qui sont vraiment safe, c’est-à-dire des endroits où on se sent bien, où on sait qu’on va passer une bonne soirée. Il faut absolument qu’on arrive à ce que les gens se disent « quand je viens au Fil, je ne risque rien ». Enfin pas forcément rien mais au moins « il y a de la bienveillance, on sait qu’il y a des gens qui regardent, et je ne suis pas tout·e seul·e ».

À voir 

Venin Carmin, le 8 juin 

Queer Munity Party, le 25 juin

Au Fil, 20 boulevard Thiers-Saint-Étienne / 04.77.34.46.40 / www.le-fil.com

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