Feu Follet

Feu Follet : rencontre avec João Pedro Rodrigues

Hétéroclite est de nouveau allé à la rencontre du réalisateur queer portugais João Pedro Rodrigues (Mourir comme un homme, O Fantasma, L’Ornithologue), qui présentait cette année son nouveau film Fogofátuo (Feu Follet en français) à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes.

“il n’y a pas assez de comédies au cinéma”

Comment décririez-vous Feu follet ?

João Pedro Rodrigues : Je dirais que c’est un conte de fée, une fantaisie musicale. Mon désir principal était de faire une comédie, je voulais faire quelque chose de joyeux.

Sur l’histoire, le film tourne autour d’Alfredo, un prince qui veut être pompier et qui trouve son amour à la caserne. 

En arrière-plan de cette romance, on retrouve des thématiques telles que la crise climatique ou la colonisation, souvent abordées avec une certaine ironie. Comment avez-vous construit le scénario ?

Au Portugal, on vit dans une République depuis 1910, depuis plus de 100 ans, mais on suit encore la vie des supposés aristocrates. Et j’ai lu dans un magazine people que notre héritier au trône voulait être pompier. Ça m’a semblé une jolie idée de ramener ça au conte de fée, et de rejouer l’histoire : il va à la caserne, et ne tombe pas amoureux d’une fille mais d’un garçon.

Après, le film est nourri de tous les incendies qu’il y a eu au Portugal, de la crise climatique. On parle aussi de la fétichisation qu’il y a sur les corps noirs. Et réciproquement sur les corps blanc. Surtout dans une scène de sexe dans les bois, où les deux personnages s’insultent comme s’ils rigolaient eux-mêmes de la situation, comme s’ils mettaient en mots un discours post-colonialiste qu’ils avaient intégré.

Mais j’ai voulu toucher à tous ces sujets avec ironie, légèreté. Parce que je pense qu’il n’y a pas assez de comédies au cinéma, du moins que j’ai plaisir à aller voir. Je voulais aussi raconter tout ça d’une façon assez courte, condensée, pas comme la plupart des films de Cannes qui durent 3h, et où je me fais chier. Le tournage du film a été décalé à cause de la pandémie, et pendant ces deux années où on a attendu, j’ai introduit le Covid dans l’histoire. 

Lors de votre présentation à Cannes, vous disiez être ravi que “ce genre de films” aient leur place à la Quinzaine des Réalisateurs. Pouvez-vous développer ?

Je parlais des films qui ont une certaine radicalité. Et je suis très fier d’être à la Quinzaine des Réalisateurs, que j’ai connue en 2005 avec mon deuxième long-métrage. La Sélection Officielle voulait le film, mais ils ne m’ont pas offert la grande compétition. J’ai décidé d’aller à la Quinzaine, qui montre des films qui osent faire quelque chose d’autre qu’un cinéma qui, même d’auteur, est devenu un cinéma qui se répète. C’est ça qui m’obsède, je ne veux pas tomber dans la répétition. J’essaye de ne pas avoir un style. Il y a ce désir d’un cinéma non-conformiste.

Êtes-vous également enthousiaste de votre sélection à la Queer Palm ?
Quand mes précédents films passaient à Cannes, il n’y avait pas encore de Queer Palm. Je suis très content d’être dans cette sélection. J’ai même une fois été président de la Queer Palm, l’année où on l’a donnée à L’Inconnu du lac.

Quand j’ai commencé à faire des films, mon désir n’était pas de faire des films gays, je voulais faire du cinéma avec des émotions qui me sont proches. Je ne me vois pas raconter des histoires dont je ne me sens pas proche.

À voir

Feu Follet (Fogofátuo) de João Pedro Rodrigues, avec Mauro Costa, André Cabral, Margarida Vila-Nova…

En salles le 14 septembre 2022.

1 commentaire

  • Anne Vincent

    Un film merveilleux, fort et audacieux. Très singulier, moi qui ne supporte pas les comédies musicales, il nous emporte dans des scènes joyeuses et très belles tournées avec maîtrise et inventivité sans cesse renouvelée. Bref génial !

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