Tiago Guedes

Tiago Guedes : nouveau directeur de la Maison de la Danse

En poste à la direction de la Maison de la Danse et de la Biennale de Danse depuis le 1er juillet dernier, Tiago Guedes succède à Dominique Hervieu. Nous sommes allés à sa rencontre au coeur de l’été pour savoir quels étaient ses projets pour l’institution lyonnaise.

Vous prenez la tête de la Maison de la Danse et de la Biennale de la Danse à 43 ans, pouvez-vous nous retracer votre parcours professionnel ? 

Tiago Guedes : J’ai d’abord un parcours de musicien. Quand j’étais petit, j’ai commencé par la musique. Après j’ai fait un bac danse et théatre. Puis j’ai fait l’école supérieure de danse de Lisbonne où j’ai reçu une formation de danseur et de chorégraphe. Mon travail de chorégraphe a commencé à circuler hors du Portugal, notamment en France et en Europe centrale et j’ai été artiste associé au théâtre d’Armentières dans les Hauts-de-France. Et c’est là que j’ai commencé à faire de la programmation, lors d’une carte blanche avec des artistes portugais. Et je me suis intéressé à la dimension artistique de la programmation, comment imaginer un projet cohérent.

Puis je suis rentré au Portugal où j’ai imaginé un festival de théâtre et musique dans la région où vit ma grand-mère et dans laquelle il n’y a pas de théâtre. Et en 2014, j’ai répondu à un appel à projet pour la constitution d’une grande institution théâtrale municipale à Porto. Et jusqu’en 2022, on a construit cette institution, le Théâtre de la Ville de Porto, un grand festival de danse à l’échelle métropolitaine et un centre de recherche artistique. Et ces trois projets composent aujourd’hui le département des arts de la scène de la ville de Porto, que j’ai dirigé jusqu’en juin dernier. Pour moi, la boucle était bouclée en quelque sorte et j’étais disponible pour me mettre au service d’autres projets. Et c’est tombé pile poil avec l’appel à candidature de la Maison de la Danse de Lyon, que je connaissais pour y être venu lors de la Biennale, en tant que programmateur. Et le Théâtre de la Ville de Porto était également partenaire de la Maison de la Danse dans le cadre du pôle européen de création. Donc ce n’est pas un lieu totalement distant pour moi. Et Lyon est une ville exceptionnelle pour la danse, par rapport à son patrimoine mais aussi aux possibilités de développement futur. 

Dans votre projet, vous souhaitez articuler davantage la Maison de la Danse, la Biennale de la Danse et les Ateliers de la Danse (qui doivent voir le jour en octobre 2025). Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Ca signifie voir la danse, la création, le support de façon plus globale. C’est décloisonner la saison artistique, le festival et le centre de recherche. En cela, ça fait vraiment écho à ce que j’ai cherché à faire à Porto. Je défends notamment une plus grande porosité entre la programmation de la Maison de la Danse et de la Biennale, avec des artistes que l’on retrouveraient dans les deux, dans le cadre d’un projet global. Et les Ateliers vont être un outil génial, à 3 min à pied de la Maison de la Danse, où l’on retrouvera une salle de création dans laquelle pourront avoir lieu des spectacles de petite jauge (400 places) et un studio pour les pratiques amateur et un studio pour les chorégraphes de la région. Ils seront au coeur d’un nouveau quartier, avec un groupe scolaire, un gymnase, une piscine, une résidence séniors. On pourra donc tisser des liens avec cet environnement, notamment via un nouveau festival que je propose dans mon projet, le Huitième Festival. 

Vous êtes arrivé le 1er juillet à Lyon et vous héritez donc d’une programmation pour la saison 22-23 déjà ficelée par Dominique Hervieu. De même, des jalons sont déjà posés pour la Biennale de 2023. Quelles sont vos marges de manoeuvre pour imprimer votre marque à courte échéance ? 

La saison 22-23, elle est faite. Ma marge de manoeuvre, c’est vraiment défendre les artistes, être à leurs côtés. J’ai surtout une marge de manoeuvre artistique pour la Biennale de la danse 2023, au cours de laquelle je souhaite initier un certain nombre de projets que je défends pour la Biennale 2025. Je défends ainsi un volet formation au cours de la Biennale, où on inviterait les artistes qui présentent un spectacle à rester quelques jours de plus pour proposer à la communauté des artistes, lyonnais·es mais pas que, des workshops. Investir davantage l’espace public également grâce au projet Rue !. Aussi un projet avec dix jeunes de la Métropole qui pendant deux ans vont accompagner la programmation de la Maison de la Danse, des projets participatifs, vont découvrir les métiers de la culture et ils proposeront pour la Biennale des sujets, des thèmes (questions de genre, écologie, etc) et pourront choisir des spectacles en lien avec ces problématiques. On parle de dix jeunes âgé·es de 16 ans au début du projet, jusqu’à leur 18 ans. 

Vous souhaitez créer un cercle de neuf chorégraphes associé·es composé notamment de Lia Rodrigues, de Marco da Silva Ferreira, de Nash, de Ian Martens, de François Chaignaud, du Collectif ÈS, de Phia Ménard. Pourquoi ces choix ? 

Les artistes sont vraiment au coeur du projet. Je veux les associer à tout le projet : Maison de la Danse, Biennale, Ateliers. Que certain·es puissent présenter des spectacles dans la grande salle, d’autres des créations à la Biennale et que d’autres encore puissent imaginer avec nous les projets de préfiguration des Ateliers, un suivi artistique du chantier. Comme ce sont des artistes qui ont une grande activité, ils et elles pourront participer en fonction de leur temps : présenter de nouvelles créations et des pièces de répertoire, organiser des masterclasses pour les élèves du Conservatoire, proposer un concert, la découverte d’un autre artiste ou même d’un film qui permette au public de mieux cerner leur univers artistique. L’idée c’est aussi de mélanger des artistes confirmé·es et des artistes en devenir, d’âge et d’horizon différents. Et de créer également des passerelles entre elles et eux et leurs différents projets.  

Est-ce une manière d’ouvrir davantage la Maison de la Danse aux danses urbaines ? 

Oui, c’est très présent actuellement et cela va continuer. Il y a beaucoup d’artistes que j’aime beaucoup et que je défends qui travaillent dans les danses hip-hop. On prévoit lors de la Biennale un immersion dans les danses urbaines et la culture du Voguing, avec de la pratique et de la théorie. 

Est-ce aussi une façon de mettre l’accent sur les identités de genre et sexuelles, qui sont des thématiques qu’on voit beaucoup émerger sur scène ?

Oui, et surtout être très attentif à ce qui se passe dans les marges, et dans l’underground, parce que c’est là que se passe les choses les plus excitantes. Je pense que les institutions doivent s’ouvrir à tout. Par exemple, à Porto, on a proposé le premier ball voguing sur la grande scène du Théâtre Rivoli, qui est quand même l’un des grands théâtres portugais. C’est là que j’ai invité Vinii Revlon, en clôture de notre festival de danse. Parce que j’aime voir les croisements entre l’institution et l’underground, et voir ce que cela peut produire. Et la question n’est pas de rendre l’underground institutionnel, mais plutôt de profiter de l’institution pour donner de la visibilité. Et ça fait partie de notre mission. Et je suis très curieux de découvrir les nombreuses cultures underground de Lyon pour imaginer des temps forts à la Maison et à la Biennale.

Pour mener à bien tous ces projets, il faut de l’argent. Or, la Maison de la Danse a été affectée par les coupes budgétaires de la Région, non ? 

Oui, la Maison, la Biennale, toutes les grandes institutions et aussi les plus petites. 

Est-ce que cela à une influence sur votre projet initial ? 

Pas encore, ces coupes sont sur le budget 2022. Donc, je verrai la Région à la rentrée, pour ouvrir le dialogue et comprendre ce que cela signifie, puisque la Région vient de choisir mon projet l’unanimité avec la Ville de Lyon et le Ministère de la Culture. La Biennale, c’est 43 théâtres en région. Donc, je veux savoir si je dois couper dans le programme artistique mais également si ces coupes vont être maintenues en 2023. Et quand j’en saurai plus, je prendrai mes décisions. 

Tiago Rodrigues à Avignon, vous à la Maison de la Danse et à la Biennale de Lyon. Y a-t-il un vent nouveau artistique qui souffle du Portugal et va conquérir l’Europe ? 

Conquérir l’Europe, ahaha. Non, ce que je pense c’est que l’Europe est devenue globale. Il y a des étranger·es nommé·es au Portugal, mais aussi en Italie et en France. Il y a un contexte intéressant : les grands festivals d’art vivant en France (Festival d’Automne à Paris, Avignon et la Biennale de Lyon) sont actuellement dirigés par des étranger·es (Francesca Corona, Tiago Rodrigues et moi-même). C’est un contexte spécifique, on se connait tous les trois très bien, on a eu des parcours similaires. Cette ouverture, c’est sans doute propice aux partenariats.

Vous découvrez Lyon. Comment se passe votre installation ? Quelle image avez-vous de cette ville ? 

J’avais une image spécifique de Lyon, pendant la Biennale. C’était une vision un peu carte postale. Là je découvre autrement : la vie de quartier, le travail, le flux de relations, la vie un peu plus underground, les autres théâtres, les autres institutions. C’est une ville très riche culturellement. Et il y a eu un grand renouvellement à la direction de nombreuses institutions : à l’Opéra, aux Subs, au Théâtre de la Croix-Rousse, au TNP et ici. Il y a donc un contexte unique pour travailler ensemble et créer des partenariats, et c’est loin d’être le cas partout.  

À voir en septembre et octobre à la Maison de la Danse 

The Valley of Human Sound, du 29 septembre au 1er octobre 2022

any attempt will end in crushed bodies and shattered bones, les 11 et 12 octobre 2022

Via Katlehong, du 18 au 21 octobre 2022

Y aller voir de plus près, du 25 au 29 octobre 2022

Toutes les informations sont à retrouver dans Sissy, notre panorama culturel de la saison

© Muriel Chaulet

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