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FACT, Le Festival Arts et Création Trans – 3e édition

La troisième édition du FACT aura lieu du 27 octobre au 7 novembre, au Théâtre de l’Élysée (Lyon 7) et au Théâtre des Clochards Célestes (Lyon 1). Nous avons posé quelques questions à Arsène Marquis et Maëlys Meyer, membres de l’équipe d’organisation de ce festival qui met les artistes trans à l’honneur.

Comment est né le FACT?

Maëlys Meyer : Le FACT est né d’un déplacement en Uruguay en 2018 au sein d’un des programmes de résidence de la plateforme internationale PLUS que je porte depuis 2017 et ayant pour objectifs d’articuler les scènes artistiques du Sud et du Nord.

Fruit d’une rencontre avec le collectif uruguayen queer sudaka LA Contracultural, créé par Delfina Martinez et Leho de Sosa, l’idée de faire un festival émerge à la Semaine d’Art Trans de Montevideo en mars 2019 avec la venue d’Arsène Marquis, artiste invité par PLUS pour y exposer ses œuvres au Centre Culturel d’Espagne et donner des ateliers de pratique de la photo. 

Arsène Marquis : J’ai eu la chance d’être invité par Delfina et Leho à participer à la Semana de Arte Trans, en 2019, aux côtés de Maëlys qui les avait rencontré·es l’année précédente. À la fin de la Semaine d’Art Trans, à Montevideo, deux choses étaient évidentes pour Maëlys et moi : nous voulions que d’autres personnes autour de nous puissent faire cette expérience, et nous voulions pouvoir inviter Delfina et Leho en retour. C’est simple : je n’avais jamais participé à un événement où une majorité d’artistes trans étaient sur le devant de la scène. Des chercheur·euses, dans des évènements universitaires ou militants, oui. Mais des artistes, et durant plus d’une soirée ? Ça ne ressemblait à rien de ce que j’avais pu voir jusque là. 

En rentrant à Lyon, on a passé le message, on a rencontré quelques personnes qui étaient partantes (Louve Z., Corto L. et Charlie F.) et six mois plus tard, la première édition du FACT était sur pied, avec 10 jours de programmation et un nom très littéral du festival, pour faire un clin d’œil à la SAT qui nous a inspiré·es. Sur cette première édition, nous avions rassemblé plus de vingt artistes et nous avons eu la chance de pouvoir réaliser cette première en présence de Delfina et Leho, accompagnés de Matías, un jeune illustrateur trans de 16 ans, tous les trois invité·es depuis l’Uruguay.

Qu’est-ce que vous appelez « l’art trans » ? 

AM: Quand on parle “d’art trans” dans le cadre du FACT, on parle plus de conditions de productions que de thèmes ou d’une esthétique. Un festival “d’art trans”, c’est simplement un festival qui réunit des œuvres où les personnes trans sont au cœur du processus de création. Il y a évidemment des thématiques qui reviennent, comme celles des normes, de la transphobie, du corps, mais ça ne m’intéresse pas de définir ce que serait une œuvre d’art “trans”. 

Les artistes qu’on invite ne parlent pas forcément de ce que c’est “être trans”, mais iels parlent depuis cette expérience.

MM: La programmation est depuis le début en grande partie pensée par Arsène, ce qui est très important en terme de vision. Mais cela reste une esthétique et une sensibilité unique, et nous avions envie cette année d’ouvrir la programmation à d’autres personnes ou collectifs, dans le but d’étendre les esthétiques et les regards justement. Pris par le temps, j’espère que ce sera pour la prochaine édition!

De mon côté, ce qui m’intéresse avec PLUS c’est de mettre en contact une scène artistique française “trans” avec des scènes d’Amérique Latine ou d’artistes vivant en France avec une expérience de déplacement. Cela permet de repenser nos positions au sein d’un contexte macro, de rencontrer des choses similaires ou différentes et cela va contre un isolement des artistes, renforce les corps et ouvre à la critique de part et d’autre de l’Atlantique. En fait, ça permet au FACT de se construire par des relations qui vont au-delà du contexte purement lyonnais ou franco-français, ce qui me paraît essentiel aujourd’hui. 

Pourquoi cet « art trans » est-il important ?

AM: Tout simplement, parce que les artistes que nous invitons ont énormément de talent et que leur travail est trop peu diffusé. On le voit peu pour plusieurs raisons : il y a évidemment la transphobie et la frilosité des institutions d’art qui ne sont pas forcément formées sur ces questions et qui préfèrent rester en terrain connu, mais aussi la précarité des artistes qui est vite renforcée par une transition de genre (entre l’administration, les cercles sociaux et éventuellement les questions médicales, c’est rapidement coûteux et chronophage), ce qui laisse peu de place à la création.
Organiser ce festival, c’est donc non seulement donner à voir des œuvres magnifiques comme l’installation Les Ilôts de Carol Sibony, qui mêle danse et art numérique, ou Guerreras Futuras, de Sofia Saunier, une rétrospective de son travail photographique mené en Uruguay et au Brésil depuis les années 90 et qui déroule un univers de science-fiction queer teintée de questionnements écologiques. 

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Sofia Saunier – Guerreras Futuras

MM: La présence d’un ”art trans” n’est pour moi pas plus importante que la revendication des conditions matérielles nécessaires à la création des personnes trans, qui plus est, c’est une scène qui transforme nos sociétés et la fait avancer. L’important est que les institutions d’art et de culture soient convaincues qu’activer ce type d’action c’est rendre les espaces (et les villes) plus riches et que pour cela il ne suffit pas d’appuyer sur le bouton “diversité”, il est nécessaire de se déplacer, accepter l’inconfort, écouter et participer à des actions de mises en commun critique. À nous (je parle ici de toutes les communautés qui questionnent l’ordre établi) de discerner aussi les mécanismes de capture pour que nos présences puissent changer les espaces ! En cela, le festival répond très clairement à une nécessité de transformation.

Quels sont les temps forts du festival ?

MM: Nous revenons enfin à une programmation internationale, ce qui est très fort après la période que nous avons passée et ce qu’elle a laissé. C’est toujours un peu le stress de faire venir des artistes du Sud, encore plus dissident·es, et c’est déjà incroyable de pouvoir compter cette année sur la présence de 4 artistes d’Amérique du Sud : Eliara Queiroz (Brésil), Sofia Saunier et Delfina Martinez (Uruguay) et Dynamo (Chili). Dans un contexte international qui se referme, des frontières qui se durcissent, produire un FACT n’est pas produire un festival quelconque. Il faut penser au passage des frontières, à la xénophobie pour des personnes qui ne parlent pas la langue, à la transphobie qui vient s’accumuler au racisme. C’est une réalité, le déplacement est une question politique et faire venir 4 artistes ici à Lyon ce n’est pas rien ! D’ailleurs, les créations internationales ont souvent à voir avec le processus de déplacement. Dans la performance Alvorada, Eliara Queiroz part de son propre processus de migration de Maranhão (nord du Brésil) vers Sao Paulo pour parler d’une politique d’effacement, de la violence des villes bétonnés “modernes” sur nos corps et tente de tisser des chemins pour se réapproprier son corps. Il y aura aussi la projection du film UÝRA – A Retomada da Floresta (UÝRA – The Rising Forest) – une première en France – où Uyra Sodoma, artiste autochtone trans voyage à travers la forêt amazonienne : “Mon but, dit Uyra Sodoma, est d’observer la forêt et de chercher une reconnexion avec elle. Les processus de violence contre la vie tels que la pollution de notre environnement, les agressions contre les personnes LGBTQ, les personnes trans, les Noir·es, les peuples autochtones et les femmes, sont des processus dans lesquels nous ne nous reconnaissons plus comme des forêts.” – Uyra

AM: Cette année, c’est aussi la première année où nous proposons de la danse, avec les pièces de Saphir Belkheir, Acaua Sheraya ou encore la performance de Rosa Ventadoux dans l’installation de Carol Sibony. Il y aura également une pièce de théâtre jeunesse proposée par les E-moires, et cela nous tient beaucoup à cœur de proposer des moments qui puissent être inter-générationnels. Enfin, je pense que le défilé du samedi 29 octobre sera un moment inoubliable : c’est un projet gigantesque, impulsé par Sabrina Calvo qui en est la styliste, et qui a réuni une équipe de plus d’une vingtaine de personnes, des modèles à læ bijoutièr·e Moïralien, en passant par la rappeuse M4uv3 et tout·e une équipe de collaborateur·ices talentueuxses. 

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Uyra – The Rising Forest ©Joao Algarve

Comment participer au festival ?

AM: Une partie de nos évènements sont à prix libres ou gratuits, afin de s’assurer de l’accessibilité financière du festival au plus grand nombre. Donc venez nous rencontrer, participez à notre cagnotte si vous en avez les moyens, portez-vous bénévoles sur cette édition ou la prochaine, envoyez-nous des mots doux et, de façon générale, soutenez les artistes trans de votre quartier. 

MM: Nous avons la chance d’être accueilli·es dans deux théâtres de Lyon, qui nous ont laissé faire ce qu’on voulait, et qui collaborent pour que le FACT se réalise de la façon dont nous l’imaginons. Nous occuperons ces deux théâtres, tour à tour, sur des temps assez longs. Le Théâtre de l’Elysée du 27 au 30 octobre, et le Théâtre des Clochards Célestes du 1er au 7 novembre. C’était important pour nous de fixer des lieux de rassemblement pour assister aux créations, voir les expos mais aussi se rencontrer, manger, boire, danser…

Puis, nous avons deux événements hors les murs le samedi 5 novembre, en après-midi au Théâtre de la Croix Rousse dans le cadre des Universités d’Automne HF pour une “rencontre déviée” avec la militante afro transféminisme uruguayenne Delfina Martinez, ayant activement œuvré pour la Ley Integral para la Personas Trans en Uruguay (Loi Intégrale pour les Personnes Trans), et le soir au Sonic pour une soirée avec le collectif Convergences des Slut·tes. 

Du 27 octobre au 7 novembre 2022. Toute la programmation est disponible sur le site du FACT ainsi que sur ceux du Théâtre de l’Élysée et du Théâtre des Clochards Célestes.

Il est possible de soutenir financièrement le FACT en participant à une cagnotte en ligne.

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