Aborder

Édito #166 : Aborder le printemps

C’est endeuillées que nos communautés LGBT+ régionales vont aborder le printemps. Ces dernières semaines, deux figures – aux trajectoires totalement diverses qui font le sel de nos communautés – se sont éteintes. 

Ainsi, le 22 février, nous apprenions le décès d’Antonin Heurtin, que beaucoup connaissaient sous le nom de drag de Frida Salo. Si Antonin faisait partie de ces êtres cabossé·es par les obstacles de la vie, il avait trouvé refuge auprès des artistes de la nuit lyonnaise et coorganisait avec son complice Bühler les soirées Glam Against The Machine. Lors de ces évènements, Frida passait volontiers derrière les platines où elle aimait faire danser la foule sur des sons disco ou des kitscheries efficaces piochées dans la production des années 70-80. Surtout, elle avait à cœur de mettre en avant de jeunes artistes (drags, club-kids, effeuillage) et de permettre au public de les découvrir. Beaucoup lui doivent leur première montée sur scène. Parmi ces créatures, Frida s’épanouissait, mais sans doute cela n’était-il pas suffisant pour permettre à Antonin de survivre. 

Puis, le 8 mars dernier, c’est le décès de Jean-Baptiste Carhaix que nous avons appris. Âgé de 76 ans, celui qui vivait à Lyon depuis de nombreuses années, s’était fait connaitre dès 1979 lorsque, à San Francisco, il avait photographié les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence, mouvement alors émergent et qui allait vite devenir l’un des visages de la lutte contre le VIH-sida. Photographier les Soeurs, parce qu’elles représentent la fantaisie, l’humour et la solidarité dont ont besoin nos communautés LGBT+, Carhaix l’a fait et refait inlassablement. Il a permis de consigner une part de notre histoire que beaucoup se sont acharné·es à faire disparaître. Il a témoigné pour que nous ne soyons pas privé·es de mémoire. 

À des époques et dans des styles différents, Frida Salo et Jean-Baptiste Carhaix ont fait vivre des communautés LGBT+ qui sont bien souvent un refuge contre l’hostilité et l’abandon. Le moins que l’on puisse faire, c’est de continuer à nous investir pour que vivent ces communautés dans leurs diversités et leurs richesses.

Les obsèques de Jean-Baptiste Carhaix auront lieu à 10h le 16 mars à la Maison funéraire du 1 rue Thomas Blanchet-Lyon 8.

Le 16 mars 2023, soirée de lancement du numéro #166 d’Hétéroclite à partir de 19h au Labo Heat avec Gary Ka, Mayr et Isa.

© Ghadir Ismaïl / Modèle : Inayat

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