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La Petite Menteuse : questionner la parole des femmes ?

Paru cet été, le roman de Pascale Robert-Diard La Petite Menteuse est revenu sur le devant de la scène médiatique à l’occasion de sa nomination pour plusieurs prix littéraires dont le Goncourt et le prix de l’Académie française. 

Il raconte l’histoire d’une jeune fille, Lisa Charvet, violée par des camarades de classe et qui, prise dans un engrenage qui la dépasse, finira par mentir sur l’identité de son violeur et accusera un autre homme, nommé Marco Lange. Celui-ci sera condamné, ira en prison, et ne sera libéré qu’au moment du procès en appel dans lequel la jeune fille avouera qu’il est innocent.  

De ce fait, le roman se développe principalement autour de deux axes : le premier, comprendre ce qui a poussé cette jeune fille au mensonge ; le second, comprendre où la justice a échoué, puisqu’elle a condamné un homme pour un crime qu’il n’a pas commis. Et c’est sur ce deuxième point que s’effectue un glissement déconcertant entre ce que nous apprend le roman (basé sur une affaire judiciaire réelle) et les discussions médiatiques autour de l’ouvrage.

Une mise en perspective douteuse

En effet, le livre nous raconte comment Marco Lange finit par apparaître comme le coupable idéal : du fait d’un comportement pouvant être qualifié de harcèlement sexuel, mais aussi du fait de sa situation sociale marginale. L’enquête insiste ainsi lourdement sur la bisexualité de l’accusé, et sur sa situation socio-professionnelle précaire. Pour autant, aucun de ces derniers éléments ne viendra alimenter la réflexion médiatique sur les biais de la justice.

Au contraire, et alors que rien dans l’enquête ni dans le premier procès ne laisse deviner de lien avec le mouvement #MeToo, c’est sur celui-ci que va se cristalliser le discours médiatique. Dans sa version la moins subtile, l’émission C à vous sur France 5 titre la vidéo de discussion avec l’autrice « Le roman qui interroge la présomption de culpabilité », et Patrick Cohen d’y plébisciter le livre comme une « tranche de vraie vie à confronter aux militantes qui prétendent que les femmes ne mentent jamais ou que leur parole est sacrée ». Sur France Inter, Léa Salamé et l’autrice pourront s’inquiéter des ravages de « l’air du temps » et de l’opinion publique dans les tribunaux.

Difficile de ne pas sortir de ces interviews avec le sentiment d’assister à une mise en perspective malhonnête de cette affaire judiciaire et des demandes portées par le mouvement #MeToo. On choisit d’oublier que c’est justement contre une justice et une société sourdes aux violences faites aux femmes qu’est né ce mouvement, pour que leur parole cesse d’être ignorée. La sortie de ce livre n’est donc pas dérangeante parce qu’elle nous apprendrait qu’une femme peut mentir, elle le devient en revanche quand on ne traite pas ce sujet avec l’honnêteté qu’il requiert. 

À lire 

La Petite Menteuse de Pascale Robert-Diard (Éditions de l’Iconoclaste). En librairies.

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