Cocteau

Cocteau-Marais : L’amour malgré tout

Dans leur BD Les Choses Sérieuses, Isabelle Bauthian et Maurane Mazars nous racontent avec intelligence les années d’occupation du couple Cocteau-Marais. Pris dans une tempête sans précédent, leur amour a su rester à flots. Non sans quelques avaries.

D’amour, de guerre et d’art. L’histoire de Jean Marais et Jean Cocteau prend place dans l’œil d’un cyclone fou, où les plus puissantes passions humaines soufflent en vents contraires. Il serait faux de dire que le couple n’a pas connu quelques violents coups de moins bien. Mais il tient, inoxydable et invincible. Même la mort de Jean Cocteau en 1963 n’éteindra pas la dévotion que lui vouera Jean Marais jusqu’à se propre disparition, bien plus tard, en 1998. Tout cela est bien tardif et la bande dessinée d’Isabelle Bauthian (scénario) et Maurane Mazars (dessins) ne prétend pas à cette exhaustivité. C’est le premier choix des Choses sérieuses, un livre qui fait s’entrechoquer sentiments tristes et élans sublimes au moment de leurs affrontements les plus terribles : la seconde guerre mondiale.

Leur rencontre en 1937 est d’ailleurs à peine évoquée. Deux ou trois pages, en début d’ouvrage, comme on radote une vieille histoire que tout le monde connait : le célèbre écrivain quarantenaire qui s’entiche d’un jeune acteur, beau comme un Dieu. Si on ne s’y intéresse que partiellement, c’est parce que ces débuts mentent sur la relation des deux hommes. Non, il ne s’agit pas d’une sordide histoire de pygmalion et de starlette. La démonstration des Choses sérieuses est implacable : le métal dont est fait leur amour est du genre qui résiste à tout.

Planer au-dessus du monde

Les addictions de Jean Cocteau, la célébrité exponentielle de Jean Marais, les coups d’un soir, les affres de la mondanité, le bruit des bottes et, bien sûr, une homophobie générale exacerbée par l’occupant et ses suppôts, tout cela se combine lors d’une seconde guerre mondiale qui aurait dû faire exploser le couple. Mais, comme le dit Jean Cocteau, il s’agit de refuser de « se laisser distraire des choses sérieuses par la frivolité dramatique de la guerre. » Si les corps et les esprits souffrent, l’amour de Cocteau et Marais, lui, plane au-dessus du monde.

Dans un récit ancré dans le réel grâce à la présence de multiples extraits de la presse de l’époque, Isabelle Bauthian et Maurane Mazars savent jouer du contraste entre l’amour et la guerre. L’impétueux Jean Marais, qui finira résistant et l’inconséquent Jean Cocteau, dont quelques-unes de ses amitiés lui seront reprochées ensuite, traversent ces années noires un pied sur terre, l’autre dans l’éden qu’ils se sont créés. Avec un savoir-faire peu commun, les deux autrices parviennent à suivre chacune des deux jambes sans jamais perdre leur lectorat. Le dessin épuré de Maurane Mazars et le code couleur qu’elle utilise pour notifier les différentes atmosphères démêle les fils d’une période particulièrement propice à la confusion, entre les mondes des arts, de l’occupation et de la romance. Les Choses sérieuses, en cela, réussit un tour de force. Il rend claire une situation et des personnages d’une complexité inconcevable. La conclusion est là, qui vient toucher en plein cœur : on a beau lui opposer ses plus mortels ennemis, l’amour tient bon.

À lire

Les Choses sérieuses d’Isabelle Bauthian et Maurane Mazars (Steinkis). En librairies.

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.